Elianora a écrit:Je demande vos réactions en tant que femme avant tout
comment vous le ressentez, comment vous le gérez
Agacement.
J'ai du être flatté les, quoi...dix premières fois? En étant généreuse. Après, tu t'aperçois que ce n'est pas un réel compliment. Que t'es juste à leur disposition, dans la rue, et qu'ils aiment te le faire savoir.
Il y a trois choses qui m'ont fait detester vraiment ce harcèlement. La première, c'est lorsque je me promenais tard le soir dans les rues, j'avais
(j'ai) en arrière pensée la peur d'être violée. Or mes parents ne m'ont jamais inculqué cette peur, je ne connaissais personne ayant été agressé, et n'ayant pas la télé, ni aucun média qui colporte des faits divers, je n'ai jamais été soumise à ce message. Pourtant, j'avais cette peur. Parce que l'expérience du harcèlement de rue m'avait bien martelé en tête que les hommes me regardaient dans la rue comme baisable, et accessible.
La seconde, et c'est assez con
(Dans cette anecdote, vous decouvrirez combien je suis longue à la détente) c'est lorsque je me suis aperçue que je ne prenais aucun plaisir à me faire complimenter dans la rue, ou extremement rarement
(Cela arrive, tout de même. Lorsque quelqu'un te fait un compliment vraiment spontané, et n'espere rien derrière, surtout n'insiste en rien pour continuer à te parler ou obtenir une réponse de toi, et respecte ton espace. Mais c'est extremement rare.).
En fait, j'étais souvent juste mal à l'aise. Et pourtant, lorsque j'en parlais, je faisais comme si c'était flatteur, tout ça. Même si mon malaise m'envoyait les signaux inverses.
Parce que c'était ainsi qu'on attendait de moi que je le prenne, qu'importe mon ressenti.
(D'ailleurs, lorsque j'ai tenté de parler du fait que je n'aimais pas ça, tout le monde m'a dit "attention à ne pas refuser les compliments, ne te ferme pas". Même les femmes de ma famille qui ont vécu ce harcèlement. Et il a fallu qu'on en parle, que j'essaye de les renvoyer à leur vécu pour qu'elles comprennent le malaise, lorsqu'elles ont admis qu'elles non plus n'avaient pas aimé ça. On est censées être flattées, honorées, et le fait que ce ne soit pas le cas, et même souvent insécurisant, est un paramètre dont personne n'a que foutre.)
Et la troisième, c'est lorsque je me suis aperçue que je disais
"pardon" aux mecs qui insistaient lorsque j'avais clairement exprimé mon manque d'envie d'entrer en interaction avec eux. Cela peut sembler étrange, mais m'en apercevoir m'a réellement choquée. Je leur demandais pardon de refuser leurs avances insistantes et déplacées. Genre ils étaient dans leur bon droit, et j'étais coupable de ne pas y répondre, au point d'avoir le réflexe de m'excuser.
(J'en rajouterais une quatrième : lorsque, discutant avec un ami, je me suis aperçue que je mettais des moyens en oeuvre pour ne pas être emmerdée : dans le bus, le métro, la rue, ne surtout pas croiser le regard d'un homme -de l'âge type-, si malgré tout cela arrive, avoir aussitôt le regard vide, faire semblant de ne pas entendre et passer rapidement sur un homme tente de me dire bonjour dans la rue, éviter de regarder un homme en souriant, ne surtout pas répondre à un signe... Et ces manips, qui je pense sont assez basiques pour toutes les femmes qui vivent dans un endroit où le harcèlement de rue est une réalité quotidienne, ces manips qui me semblaient parfaitement naturelles, ben, cet ami...il était stupéfait de les entendre. Lui, dans la rue, ne ressentait jamais, absolument jamais le besoin d'adapter son comportement.)
Parfois, il se passe plusieurs jours sans que je me fasse emmerdée. Au début, me passe parfois par la tête :
"Tiens, il s'est passé quelque chose, je suis devenue laide?". Et puis cela recommence, et je me souviens que c'est toujours aussi chiant, et toujours aussi insécurisant, et combien je me sens plus puissante, plus
"à ma place" lorsque personne ne vient m'emmerder dans la rue.
Sinon, niveau origines ethniques...chez moi, j'sais pas. Ca doit vraiment dépendre des quartiers, des villes... Les fois où je me suis sentie en danger, c'était toujours des blancs
(Le quarantenaire qui, à 15 ans, te suit jusqu'à chez toi, le mec du même âge qui stationne en voiture à côté de ton lycée et qui t'attire en ayant l'air de vouloir te demander un service, puis qui t'attrape par le poignet en essayant de te faire monter, les groupes de mecs bourrés prêts de chez moi qui te collent à plusieurs et te demandent de les sucer...)