MENU Le Forum Vive les rondes Connexion

A l'ombre de la bataille

Les corps de ses compagnons mêlés à ceux de leurs adversaires gisaient au sol, démembrés, disloqués parfois même amputés … L’odeur de la mort flottait, lourde et écœurante comme celle  
d’un fruit trop mûr abandonné au soleil. Les corbeaux volaient déjà au-dessus du charnier, croassant à la vue du festin qui s’offrait à eux.

Lui seul avait survécu à l’embuscade, malgré sa blessure à la cuisse il avait trouvé le courage de se battre, tel un dragon enragé, il avait frappé et entaillé ses ennemis. Il avait cessé le combat ivre de joie d’avoir réduit à néant leurs assaillants mais la douleur vint vite le cueillir en constatant que le reste de son groupe avait faillit au combat.

Maintenant il était épuisé, le soleil était haut dans le ciel, brûlant sa peau déjà basanée. Il décida alors de se diriger vers la forêt, à la recherche d’un peu de fraîcheur et se disant qu’il lui faudrait se reposer à l’abri en attendant de pouvoir voyager jusqu’au château.
La forêt était fraîche, il marcha un moment pour se rendre prés de la rivière …

Il observa ses mains et son armure, poisseuses de sang … Dans un certain effort il ôta celles-ci, laissa également à terre sa cote de mailles et ses bottes, abandonnant ses braies pour entrer nu dans l’eau délicieusement froide du ruisseau.
Malgré le silence apaisant de la nature, il entendait toujours retentir dans sa tête les bruits du combat, le choc du fer contre le fer, les cris de rage et de douleur … les cris de peurs, les pleurs de douleur …
Il sortit de l’eau et se laissa tomber sur la berge, il pris sa tête entre ses mains … pleurant tout ce sang versé et ses amis perdus.

Lorsqu’il s’éveilla le soleil se couchait, une légère brise nocturne commençait à se lever léchant sa peau frissonnante.
Il allait se revêtir lorsqu’il l’aperçue avant de l’entendre, vision céleste d’un autre monde …

Elle était là dans la rivière, se baignant en chantonnant d’une voix cristalline … Sa peau était d’une blancheur extrême, elle brillait presque plus que les éclats du soleil couchant dans l’eau où elle se trouvait. Sa chevelure de feu descendait en cascade indomptable sur ses hanches, s’arrêtant au dessus de ses fesses hautes et rondes.
Il resta tapis dans l’herbe à l’observer … une elfe … jamais encore il n’avait eu à en rencontrer …
Jamais il n’avait vu femme aussi parfaite, des traits délicats … Ses yeux d’un vert intense donnaient à son visage une expression espiègle, un nez aquilin dominait des lèvres charnues d’un rose semblable aux framboises, sucrées et juteuses … Des seins hauts et fiers, pleins et généreux et une voix … la voix des anges …
Il était en extase, laissant un soupir s’échapper de ses lèvres tant le spectacle qui s’offrait à lui le subjuguait.

Elle se retourna d’un mouvement vif, le fixant elle tenta tant bien que mal de cacher de sa main la douce toison de feu entre ses cuisses, portant son autre main à sa poitrine.
« Qui êtes-vous ? Que faites-vous là ? »
Elle couru sur la berge et enfila sa robe moirée sans quitter l’homme des yeux.
Elle le fixa de son regard intense … « Répondez ! »

Il sortit de sa torpeur, prenant conscience de sa nudité.
« Je ne vous veux aucun mal, je … je, ils sont tous morts. » dit-il avant de s’écrouler à nouveau.

Elle aperçut la blessure à sa cuisse et sentit aux tréfonds de son être que cet homme venait de vivre quelque chose de terrible … Elle percevait des cris, de la douleur … et l’ombre de la mort.
Elle s’approcha de lui, s’asseyant dans l’herbe à ses côtés … Elle caressa son front, dégageant ses mèches brunes. Elle inspecta la plaie, fit une moue et se leva.
« Restez ici, je reviens »

La nuit n’eu pas le temps d’arriver qu’elle était à nouveau là. Dans ses mains, un bol et un petit pilon ainsi que de nombreuses herbes qu’il aurait été incapable de reconnaître. Elle semblait concocter un onguent, mêlant les plantes entre elles d’une manière experte.
« Ne bougez pas, je vais vous appliquer cela, l’entaille n’est pas profonde, je n’ai pas besoin de refermer la plaie mais elle risque de s’infecter et de rester douloureuse si nous n’agissons pas de suite. Cela va sans doute vous brûler, ce sont les plantes qui agissent pour cicatriser la lésion.»

Il la regarda faire, ses mains laiteuses contrastant sur son hâle … Infinie douceur, ses cheveux soyeux caressaient parfois son ventre lorsqu’elle se penchait un peu. Sa peau avait l’odeur de l’herbe fraîche … Il la regardait émerveillé, occultant la douleur qui le tenaillait. Elle enveloppa sa cuisse dans de grandes feuilles, liant le tout avec une sorte de liane.
Elle lui sourit lorsqu’elle aperçu la façon dont il la regardait …
« J’ai fait de mon mieux pour les blessures du corps mais il vous reste à guérir celle de votre âme et de votre cœur, là. » dit-elle en posant sa main sur son torse perlé de sueur.
« J’ai allumé un feu, il faut dormir maintenant. »

Elle se leva, récita quelques phrases en un dialecte inconnu.
« Un sort de protection. La forêt veillera sur vous cette nuit et vous n’aurez pas à craindre les bêtes sauvages. »
Il se releva un peu.
« Mais, qui êtes-vous ? Votre prénom ? »
Mais elle avait déjà disparue entre les arbres.
« Merci … » murmura-t-il

Elle resta à l’observer un instant, sa peau semblait de bronze à la lueur des flammes, ses cheveux raides et bruns tombaient sur ses épaules … Une mâchoire carrée, des lèvres fines mangées par un bouc à la mode guerrière … Des yeux noirs, qu’elle ne pourrait jamais oublier. Elle partit en courant à travers les bois.

L’astre du jour l’éveilla, le feu était éteint, ses vêtements qu’elle avait lavés dans la rivière avaient eu le temps de sécher, la journée était déjà avancée … Une biche s’abreuvait au ruisseau et partit en gambadant de l’autre côté de celui-ci.
Il pensait avoir tout rêvé, il alors porta la main à sa blessure, rencontrant les feuilles retenant le baume … Il n’avait pratiquement plus mal. Il s’habilla, regardant tout autour de lui, cherchant trace de sa déesse des bois … Rien … Elle n’avait même pas répondu à sa question mais pourtant il savait qu’elle se nommait Ilienda.

Alors, depuis cette bataille, chaque jour, au coucher du soleil, il se rendait dans la forêt, sur les berges de la rivière, caressant l’espoir de revoir un jour Ilienda qui lui avait volé son cœur.
B I U