MENU Le Forum Vive les rondes Connexion

Passion

Voilà des nuits qu’il n’a pas dormi, il reste prostré dans le noir, assit sur le parquet de la chambre à coucher.
Ses sanglots sont le seul son qui perce l’obscurité  
de cette pièce, adossé au mur, la tête dans les mains, il hurle aussi parfois …

Il parvint enfin à se lever, les larmes coulant encore sur ses joues mangées par sa barbe naissante.
Elle est encore allongée là, sur le lit, dans sa si jolie nuisette de dentelle noire, ses cheveux étalés sur l’oreiller forment une auréole ébène qui contraste avec sa peau de lait. Ses si profonds yeux noirs le fixent à présent pour l’éternité. Son rouge à lèvres carmin a viré au lie de vin sur ses lèvres décolorées par la non-vie.
L’odeur de putréfaction commence à se faire tenace, lourde et écœurante, comme des fruits trop mûrs laissés en plein soleil.
D’une main tendre il caresse son visage … un sanglot coincé dans sa gorge trouve enfin le chemin de la liberté.

Il ferme les yeux et se souvient …

Dés qu’il avait posé les yeux sur elle, il l’avait profondément aimée, passionnément. Elle adorait tout comme lui arpenter les allées des cimetières, y puiser calme et sérénité.
C’était là qu’il l’avait rencontrée la première fois, à la nuit tombée, telle une vision merveilleuse dans sa robe de velours noir, déesse de la nuit s’était-il dit … Elle avait tourné la tête vers lui et son cœur avait battu plus fort encore.
Bien loin d’être charmeur et téméraire il avait pourtant osé s’avancer et lui parler, ils finirent par s’asseoir sur un banc ; la lune ronde et pleine déversait sa lumière sur ses cheveux de jais qui luisaient … Bon sang qu’elle était belle …
Lorsque l’aube naissante vint les cueillir, elle était blottie dans ses bras et leurs lèvres étaient jointes dans une étreinte passionnée.

Il sourit à ces beaux souvenirs … Puis, il se remémora les évènements plus récents …

Voilà des semaines qu’elle lui disait qu’elle ne le supportait plus, que son amour dévorant s’était mué en une jalousie meurtrière. Elle était sa possession et il faisait de leur amour une tour d’ivoire de laquelle elle ne pouvait sortir …
Elle étouffait, elle le lui disait sans cesse … que ça ne pouvait plus durer, qu’elle ne le supportait plus … que son amour s’était transformé, que la haine et le dégoût l’habitaient.
Elle refusait qu’il la touche, vomissait sa présence, l’ignorait.
Ce soir là, elle avait préparé ses affaires et lui avait ordonné de quitter l’appartement le lendemain matin, elle avait claqué la porte de sa chambre et s’était allongée sur son lit … Si belle dans sa fureur et sa rage …
Il fixa un instant le canapé où il dormait depuis une éternité lui semblait-il.
Si elle ne l’aime plus, elle n’en aimera pas un autre, hors de question, elle lui appartient !

Il pleurait toujours … essayant de chasser de son esprits les images qui s’imposaient à lui …

Il s’était alors dirigé vers la vitrine où elle entrepose sa collection d’armes … Il s’empara de sa dague préférée dont la garde est gravée de deux serpents entremêlés, leurs yeux étant des rubis.
Il pénétra la chambre qui fût si souvent lieu de leurs preuves d’amour charnel, de leur passion intense …
Elle s’était endormie sans avoir pris peine de se glisser sous les draps … Sa nuisette dévoilait ses cuisses fuselées, sa peau qu’il connaissait si douce … Sa poitrine se soulevait lentement à chaque respiration, rendant plus désirables encore, dans leur écrin de dentelle, ses seins qu’il savait fermes …
Puis, il se souvint de ses paroles et de sa haine … Personne se dit-il, personne hormis moi !
Doucement, tendrement, la lame aiguisée pénétra la chair, elle ouvrit les yeux un instant bref tentant des mains de colmater la plaie béante de son cou mais la mort vint rapidement la cueillir, figeant sa beauté dans l’éternité … faisant d’elle sienne à jamais.
Pendant un temps il avait embrassé les lèvres encore chaudes, il avait caressé ce corps dont il avait été privé … puis lorsqu’il s’était éveillé … conscient d’être l’acteur principal de ce spectacle sanguinaire, il s’était effondré au sol, prostré dans la douleur …
B I U