C'est bien ce que je me disais... :? En parler, même des années plus tard, c'est encore dur. Ca veut dire que la souffrance est toujours là, d'autant que pour la plupart on n'a rien pu faire à part subir et/ou partir...
Alors à moi. Je suis rentrée dans l'administration pour un remplacement de congé mater de 3 mois en février 1990. A l'issue des 3 mois, on m'a proposé un contrat de chargée de suivi des jumelages, parce que je parlais les langues de tous les pays avec lesquels la ville était jumelée (allemand, anglais, espagnol et polonais). Le poste incluait aussi le développement des relations avec les associations de la ville (indépendantes des jumelages) et l'organisation des manifestations.
De mai 1990 à septembre 1991, aucun souci, j'étais bien notée, on reconnaissait mes compétences, tout allait bien.
En septembre 1991, mon chef est parti et a été remplacé. Du jour au lendemain, je suis devenue mauvaise. Je n'avais pas la carure pour assurer le poste, je n'avais pas assez de connaissances, je n'étais pas assez solide émotionnellement pour assumer des manifestations lourdes. Ben pourtant avant j'y arrivais...
La seule chose qu'on me reconnaissait encore, c'était ma faculté à parler 4 langues et à me taper toutes les traductions de documents (je me souviens de 4 pages sur la création d'une station d'épuration au Nicaragua et de 3 pages sur la collecte des ordures ménagères en Pologne... Moi qui avais surtout fait du littéraire...).
Un jour en 1992, j'ai osé l'inacceptable, j'ai osé demander la prime correspondant à l'utilisation de langues vivantes dans mon travail. Ca devait représenter 130 Francs brut à l'époque (au total ! Pas par langue ! Tu parles d'un pactole ! :roll:) On me l'a refusée au prétexte que je devais passer des tests ! J'ai répondu que depuis 2 ans, les tests étaient largement passés et que je n'allais pas brader mon diplôme d'une Grande Ecole pour 130 balles ! (je précise qu'il ne s'agissait pas de tests officiels, c'était qq'un de ma collectivité qui devait me les faire passer... J'aimerais bien savoir qui parlait polonais à part moi).
A l'époque j'étais bien plus soupe au lait que maintenant, et je n'ai pas compris que ce refus était un moyen de me harceler.
J'ai dit que tant que je n'aurais pas la prime, je parlerais français, puisqu'aucun test ne prouvait que je parlais autre chose. Mais ils ont détourné le problème, c'était le maire en personne (avec qui je m'entendais bien) qui venait me demander de faire les traductions et je les faisais...
Un jour un Directeur Général Ajdoint m'a envoyé un texte en arabe (langue que je ne parle pas). Il avait écrit dessus : "à faire traduire par Madame B. qui est si fière de son diplôme de la Sorbonne." :evil:
Oui j'en étais fière de mon diplôme et pas contente qu'on le prenne pour une merde. :evil: J'ai récupéré la notice d'une calculette qu'on venait de recevoir et j'ai recopié la partie en coréen. Je l'ai mise à la suite du texte arabe et j'ai marqué "je suis désolée, je ne sais traduire l'arabe qu'en coréen, cherchez un autre diplômé de la Sorbonne qui sache traduire l'arabe en français". :twisted: Ben il parait que j'ai été cataloguée comme prétentieuse manquant d'humour ! :evil: :lol:
Tout était fait pour que je sorte de mes gonds et à l'époque, je le faisais, je me mettais en difficulté sans m'en rendre compte. Par exemple on modifiait mes courriers dans mon ordinateur et on m'accusait des fautes, on me donnait de mauvaises directives, on envoyait tous mes collègues en formation sauf moi, on montait mes collègues contre moi, l'assistante du chef m'a fait un nombre incalculable de crasses. Ensuite mon chef m'a enlevé la plupart de mes responsabilités, il m'a coupée de mes contacts extérieurs, dans le peu de tâches qu'il m'avait laissé, il ne me donnait que le moins important à faire...
Par contre il me notait toujours relativement bien, rien n'était vraiment négatif dans ce qu'il écrivait, ce qui fait que quand je me plaignais, on me prenait pour une mythomane. Il disait à tout le monde que j'étais fragile, psychologiquement instable, que c'était du au fait que je n'avais pas d'enfant, que mon mari était au chômage... Il me faisait passer pour une pauvre fille rentrée par piston et qu'on gardait par pitié. :?
Je ne le savais pas, mais c'est un comportement typique du harcèlement moral. Mon chef voulait que je parte, comme il ne pouvait pas ouvertement me virer, il fallait que ça vienne de moi.
On est arrivés comme ça en mai 1993. Je venais de rentrer de congé maladie de 3 semaines, pour une hépatite. J'ai été convoquée chez ce directeur général adjoint (celui de la lettre en arabe) qui m'a clairement dit que je n'étais qu'une simulatrice, que je n'avais jamais été malade mais que j'avais pris un congé maladie parce que je ne pouvais pas faire face à une manifestation qui se préparait et que je l'avais lâchement laissée à mes collègues. Mon chef était présent et en a rajouté une couche sur d'autres arrêts maladie. J'ai demandé pourquoi on ne m'avait pas envoyé de contrôle médical. Pas de réponse... Le Directeur m'a demandé si je comptais "reprendre le train en marche". Je lui ai répondu que je n'en étais jamais descendue bien qu'on m'ait mise sur les marches et qu'on ne se prive pas de me pousser... :evil:
A la fin de la journée, je suis allée voir maman, mais ce jour là elle s'était disputée avec zom et je n'ai rien pu dire, juste entendre des reproches. Zom ronchonnait aussi. Mon papa ronchonnait aussi. Mon meilleur ami n'était pas chez lui... Il n'y avait plus personne...
Alors je suis rentrée chez moi, j'ai ouvert le tiroir de ma table de nuit et j'ai avalé plusieurs gélules de Prozac et d'autres médocs.
Zom m'a trouvée assez vite, il a appelé le médecin. Je n'ai pas été hospitalisée, je n'avais apparemment pas pris assez de médocs pour que ça soit toxique. Mais j'ai bien dormi... ;)
J'ai pu parler au médecin le lendemain, lui il a écouté. Il m'a donné les coordonnées d'une psy. Je ne voulais pas y aller, je disais que je n'étais pas folle, que c'étaient les dingues avec lesquels je bossais qui devaient aller en voir un ! :evil:
Mais j'y suis allée. Elle m'a expliqué les méthodes de harcèlement moral et m'a donné des pistes pour me défendre, en fait surtout pour ne plus y donner prise. Elle m'a dit qu'elle allait m'expliquer ce qui allait m'arriver (j'ai cru avoir affaire à Madame Soleil !). Mais en fait le harcèlement c'est une technique, mon chef ne faisait que la suivre. La phase suivante était la suppression d'une partie de mes outils de travail et je ne devais pas m'y opposer. En fait je ne devais plus m'opposer à mon chef, je devais lui laisser croire qu'il avait raison. Ca devait le déstabiliser de me voir docile...
Quelques jours plus tard, mon chef a subitement eu besoin de mon ordinateur et a décrété que mes dossiers devaient être dans son bureau ! J'avais envie de tout lui mettre dans la gueule ! :evil: Mais je lui ai tout donné, sans rien dire et avec le sourire. A chaque fois qu'il me critiquait je lui répondais calmement, je ne me fâchais pas, je lui disais que je n'avais pas du bien comprendre ses directives, qu'il répète... Il avait l'air perplexe, mais il m'a fichu un peu la paix ! :lol: Ca m'a permis de reprendre confiance en moi et de faire changer l'image qu'on avait de moi.
J'avais compris qu'il fallait que je parte, mais à mon avantage. J'ai aussi commencé à fouiller dans l'ordinateur du chef (j'ai trouvé son mot de passe en moins de deux minutes... Un gosse de 5 ans l'aurait trouvé ! :lol: ). Je n'ai rien détruit, rien modifié, mais j'ai imprimé tout ce qui pouvait m'être utile.
Parallèlement, et sans rien me dire, zom est allé voir le maire et lui a tout raconté. Le maire m'a convoquée dans son bureau et m'a demandé pourquoi je n'avais jamais rien dit. J'ai répondu que je l'avais fait, mais que personne ne me croyait (notamment le DRH) et que je n'avais pas osé le déranger pour ça. Il m'a demandé où je voulais aller, et j'ai dit les services techniques parce que j'avais des relations avec eux (on m'avait donné les travaux des maisons de quartier à suivre) et que ça me paraissait intéressant. Le maire m'a promis que je changerais vite de poste.
J'ai prévenu mon chef. Il m'a répondu en se moquant de moi que si le maire avait voulu s'occuper de moi, il l'aurait fait depuis longtemps ! Je lui ai dit tout ce que je savais sur lui, tout ce qu'il avait fait contre moi et je lui ai montré des preuves écrites. Il m'a demandé où je les avais eues ! J'ai répondu que quand on a beaucoup de temps libre, on peut pirater un ordinateur sans souci, même sans formation ! :lol: Je lui ai dit que mon dossier était dans les mains du maire. Il a changé de couleur...
Deux jours plus tard, j'avais un appel de la DRH, j'étais mutée aux Services Techniques le jour même. J'ai immédiatement été convoquée par le Directeur Général des Services Techniques qui m'a dit de ne pas m'inquiéter, qu'il savait ce qu'on disait de moi, mais qu'il avait surtout les échos positifs du maire et que c'était lui qu'il croyait.
Depuis le 16 juin 1993 (c'était un mercredi ! :D ) je suis aux services techniques, j'ai franchi la plupart des échelons, j'ai suivi des formations et je suis maintenant cadre de l'équipe de direction. On ne m'a plus jamais fait douter de mes capacités, on ne m'a plus jamais fait croire que je n'étais qu'une pistonnée bonne à rien.
Dans les années qui ont suivi mon départ, 19 autres personnes à la suite (anciennes ou nouvelles) ont été harcelées moralement comme je l'avais été. Oui, 19 !!! Au bout de quelques unes, le DRH de l'époque a compris que je ne mentais pas. Il est venu me voir pour s'excuser.
Mon ancien chef est parti en 2001 après avoir fait des choses pas très belles politiquement (oh 3 fois rien, il a juste fait dégommer le maire qui avait succédé à celui qui m'a aidée).
Son assistante, désespérée sans lui et avec une réputation bien établie a changé de poste et s'est essayée à la politique... Elle n'est plus là...
Le DRH de l'époque a eu un très grave souci de santé (mais lui je ne lui en veux pas, il est le seul à avoir eu le courage de s'excuser et dans les années qui ont suivi, il a toujours été là pour moi, comme pour rattraper ce qui avait été fait).
Le Directeur Général Adjoint a été muté.
Le Service a disparu, les missions ont été réparties dans d'autres secteurs.
Moi je suis toujours là... ;)
Et je vais aller me chercher un Kleenex parce que même des années après, ça fait encore mal... Hein Karen ? (et les autres) ;)