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Ma vie avec Ana

42 ans 394
Celles qui me connaissent un peu savent que j'ai fais de l'anorexie. Il y a quoi ? Deux, trois ans ? Je m'en suis sortie, mais pas toute seule. J'ai  
crée une certaine stabilité, et j'ai même repris un peu de poids. Oui, évidemment, ça m'ennuyait un peu, mais au fond j'étais rassurée. Ana n'était plus là, et que je fasse 75 ou 70 kg ce n'était pas vraiment grave (je suis « partie » de 99)
J'ai souris. J'ai retroussé mes manches et monté mon entreprise. Et monté des projets d'avenir.

Mais là, depuis quelques mois, je n'arrête pas de me prendre des baffes. C'est tout le temps, sur pleins de sujets différents : Famille (surtout famille), Amis, Travail (2 effractions en un mois, ça fait mal), Evidence.
Je me doutais un peu que tout n'allais pas bien. J'avais retrouvé mon addiction aux céréales, et ça, déjà, ça fait réfléchir.
Et là, hier, je l'ai croisée au coin de mon regard. Ana était de retour. Ana qui fait peur, qui fait pleurer, qui fait de mon regard son miroir sur le monde et de mon ventre son antre secrète.

Oui, je sais, je l'appelle Ana. Comme les « pro-Ana », alors que je n'en suis pas une.
Mais voyez vous, elle m'a sauvé la vie, il y a deux (trois ?) ans. Elle m'a détruite et elle m'a sauvé la vie. Sans elle, sans cet objectif qu'elle me donnait chaque jour, sans cette manière cruelle de détourner mes pensées, je me serai foutu en l'air. Je le savais. Et je le sais aujourd'hui.
Puis j'ai réussi à me sortir d'elle, et je pensais être guérie. C'est idiot, hein ? J'en avais pourtant lu, des témoignages disant qu'on restait toujours « fragile » une fois qu'on avait connu l'anorexie. Oh, je me doutais bien que ce n'était pas parfaitement normal de me peser matin et soir. Mais on était déjà tellement loin des dix fois par jour ...

Donc elle est de retour, j'ai basculé.
Et j'ai peur. Car avec elle est revenue cette tristesse monstrueuse, cette envie de devenir plus petite, de prendre le moins de place possible, pour, peut être, qu'on ne me tape plus dessus.
Cela paraît simple, de l'extérieur. Mais manges donc ! Tu n'as pas mangé hier ? La belle affaire ! Mange aujourd'hui. Manger ? Quand la simple idée me donne envie de pleurer ?
Car elle est comme ça, Ana. Moi, elle me tient ainsi. Chaque fois que je pense à me nourrir, à me remplir, elle me renvoie en pleine figure ce qui me donne envie de ne plus exister. Alors je serre les dents, et je refoule mes larmes.
Manger ? Quand j'ai cette boule au ventre qui me prend toute la place ?
Manger ? Quand j'ai déjà perdu un kg depuis hier ?
Manger ? Vivre ? Sourire ?
Ana est au fond de mon regard.


Excusez moi. J'ai sorti ce texte d'une traite parce qu'il fallait qu'il sorte, parce que le garder en moi serait dangereux. Je le poste à vos regards sans doute pour avoir un retour bienveillant, sans doute pour m'excuser, sans doute pour prévenir.
Ma maladie, celle contre laquelle je me bats, c'est l'anorexie. Et je dois l'accepter, lui donner son nom, et ne pas en avoir honte. Comme certaines d'entre vous, j'ai un rapport à la nourriture, au corps, difficile.
J'avais besoin de l'écrire pour le lire, pour prendre du recul. J'ai posé des mots dessus, je sais contre quoi je vais me battre. Et dès demain je vais le faire.
Je ne veux plus héberger Ana.
49 ans Paris 9874
Bon courage à toi, c'est drôlement touchant et bien écrit :kiss:
F
41 ans Lorraine 791
Et bien moi, je vais parler à Ana, directement.

Salut Ana,

Et non, la grosse sur le site d'acceptation des grosses ne va pas t'en foutre plein la gueule. Non, je ne veut pas parler à celle que tu fais souffir, oui, je sais, tu ne le fais pas exprès.
Ana, tu as besoin de contrôler pour ne pas perdre pieds. Ana, tu as besoin de régir pour exister. C'est celà que tu te dis, non?
Ana, n'as-tu jamais envie de tout laisser tomber? D'être au calme, d'arrêter de réfléchir, de compter compulsivement, d'arrêter de tout vérifier et revérifier comme si cela allait changer le monde. Tu ne me connais pas et tu n'as pas de raison de me faire confiance, mais il n'y aura pas d'apocalypse si tu te laisses aller, tu ne sera pas morte, tu seras autre, différente.

Ana, je suis un peu triste pour toi. Non, ne me prends pas de haut, toi, si intelligente, si brillante, si plein de volonté. Je suis, moi aussi, une petite maligne. Tu vis dans le cerveau, tu vis dans le chakras du troisième oeil, tu es réflection. La réflection, le cerveau sans le corps est mort, et impossible, inexistant. Ne crache pas sur la base, c'est elle qui te fais vivre.

Ana, as-tu déjà connu la paix, la vraie paix, la sérénité que l'on trouve dans le silence des pensées. L'impression d'être connectée au monde, sans le juger, en étant simplement, être présent dans le moment présent? Je ne pense pas et je ne te juge pas.

Je suis, moi aussi à fond dans le chakras du troisème oeil, dans la réfléction, les pensées obsessionnelles, la tempête, je la connais, elle si puissante, si envahissante... c'est une chose qui nous rend ivre. Mais il existe une autre sorte de puissance, celle là est plus forte que ce que tu peux imaginer. La plénitude dans le vide, le silence et la paix sont toujours plus forts que tout. Sais-tu pourquoi? Tout simplement parce que quelque soit la violence de la tempête, l'eau, dans les profondeurs est toujours calme. Le cerveau, les pensées ne sont que surface, la vie est plus profonde, parfois on l'oublie, on ne la voit pas, mais elle reste présente, toujours, c'est pour ça qu'elle domine.

Je voulais juste, Ana, te dire qu'il existe autre chose, de plus puissant, de plus fort. Un endroit meilleur où tu pourrais vivre et cal t'apporterai un bonheur bien plus tranquille. Ana, ne veux-tu pas essayer, juste une fois de découvrir d'autres choses dans ce corps que tu habites? Tu n'en mourras pas, si tu l'accepte, tu pourras changer et t'épanouir. Vas juste voir, faire un tour, te balader, si ce que tu vois te plais, alors tu pourras y retourner. Ce n'est pas une anihilation de toi que je te propose mais une sublimation.


Fin du message d'inconscient à inconscient.
Bon courage à toi Aubépine
56 ans Out of Africa... 4355
Aubepine a écrit:

. Car avec elle est revenue cette tristesse monstrueuse, cette envie de devenir plus petite, de prendre le moins de place possible, pour, peut être, qu'on ne me tape plus dessus.
.


Et si tu lui faisais une petite place à cette tristesse pour écouter ce qu'elle a à te dire ?
Et puis, si tu apprenais à te protéger aussi ?
42 ans 394
Je vous ai lues, toutes les trois.
Je n'ai pas répondu parce que je me suis fermée sur moi pour m'écouter, pour écouter Ana, pour nous entendre et voir ce que je pouvais composer.

Mon Evidence, qui connait très bien Ana, et qui me connait tout aussi bien, a cuisiné durant toute cette semaine. Je mange ce qu'il fait, je mange l'amour qu'il met dans ses plats.

En tout cas, merci de m'avoir répondu. Tu vois, Câline, j'ai fais ce que tu préconisais.

Je t'ai lu aussi, Freudette, très attentivement. Je n'ai pas cherché à analyser, pour l'instant, j'y reviendrai sans aucun doute plus tard.
J'ai lu, et je laisse reposer. Je pense que c'est la seule chose à faire pour que cela touche l'inconscient. Mon conscient et trop souvent à demander "pourquoi".
Je voulais particulièrement te remercier de tes mots, du temps que tu as passé à les écrire, et de l'émotion qu'ils ont fait naitre en moi. Une fois encore je ne l'analyse pas, je sais que je ne suis pas restée indifférente à cette lecture. J'ai pleuré.
Les larmes, je le sais, ne sont pas qu'une émanation de colère ou de tristesse. Elles sont, du moins chez moi, un vecteur du sentiment.
Tes mots font leur chemin.
43 ans Campagne poitevine 2254
C'est difficile de répondre à ton post parce que je pense qu'il n'appelle pas vraiment de solution mais plutôt du réconfort.
J'ai moi-même souffert pendant plusieurs années de TCA (des vomissements provoqués, ni franchement de l'anorexie ni de la boulimie, c'est pour ça que j'ai mis du temps à considérer ça comme une vraie maladie et à me faire aider). J'en suis "sortie". Je mets des guillemets car mes TCA sont comme un petit démon qui ne me lache jamais vraiment, comme si ça restait dans un coin de ma tête. Bien sûr, la plupart du temps, ils se taisent et je ne pense même pas à aller me mettre la tête dans les toilettes. Mais parfois, quand j'ai une contrariété, quand je suis très triste, très en colère, je n'arrive pas à extérioriser ce bouillonnement intérieur... et ma seule issue, c'est de refaire ce truc à la con que j'ai fait pendant 3 ans. Quand c'est comme ça, je me déteste, je me dis "comment tu peux être aussi bête et gâcher tous les efforts faits pour t'en sortir ?".
Mon psy m'avait dit que les TCA, c'était plus ou moins à vie. Que des périodes où ça irait moins bien, je risquais d'en avoir encore, même si je me croyais guérie. Mais que le plus important, c'était que je ne me laisse pas sombrer à nouveau. Sur le moment, je ne l'avais pas cru. Jusqu'à ce que je vérifie, bien malgré moi, que c'était la vérité.
Alors ça reste une partie de moi, une partie de ma vie que je n'essaie pas d'oublier totalement, mais que je ne crains pas démesurément non plus. Je sais que je suis mieux armée maintenant pour vaincre ça, puisque le plus dur a déjà été fait.
Je te souhaite d'aller mieux et de ne pas laisser ce gros boulet s'accrocher à nouveau au bout de ton pied... ou plutôt au creux de ton estomac.
F
41 ans Lorraine 791
Ce n'est pas facile de retrouver la paix, de faire la paix avec soi même quand on a combattu autant et avec une adversaire aussi puissante.

Les larmes sont là, parait-il, pour évacuer un trop plein d'hormones quelle qu'elles soient (larmes de joie, de tristesse, de colère, de diverses émotions plus ou moins identifiables...), je pense qu'en parlant directement j'ai "touché" quelque chose, je ne sais pas quoi, peut-être (probablement) ton besoin d'être en paix.

Je te souhaite beaucoup de courage et n'hésite pas à nous dire comment tu vas.
B I U