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Un conte à maigrir debout...

P
46 ans 64
Dans ce pays-là, les femmes avaient toutes ou presque toutes le souci d'un corps mince, ou du moins croyaient-elles en avoir le souci. Très tôt dans leur vie, on leur  
avait laissé croire qu'il leur fallait un corps élancé, sans excédent de formes et de poids.

Dans ce pays-là, les hommes étaient plus sensibles aux corps des femmes qu'à leur regard, plus touchés par leur forme que par leur écoute et bien plus attirés par leur présentation que par leur amour.

Celà bien sûr n'existait sur cette planète que dans ce lointain pays-là.

Dans ce pays-là donc, comme vous le sentez bien, régnait le terrorisme des kilos . Une guerre à mort sévissait avec violence chez la plupart des femmes, non pas entre elles, mais à l'intérieur de chacune d'elles.
Guerre sans merci, pour avoir du plus là et là et encore un peu ici. Guerre sans pitié pour avoir du moins, là surtout et encore un peu moins ici.

Parfois, il arrivait à certaines d'être dépassées par leur propre volume, de se sentir envahies, dépossédées même, par des kilos en trop, mal répartis.
D'autres encore éprouvaient une véritable haine pour ces kilos trop voyants, du mépris et du rejet pour ces plis, cette graisse insolente. Il y avait en elles une violence terrible contre la lourdeur ou la mollesse de leur fesses, de leur ventre, de leur poitrine.

Le territoire favori de toute cette haine, de toute cette violence, dans ce pays-là, était les salles de bains, les chambres à coucher, les lieux d'intimité, et bien sûr la table en était le champ de combat privilégié !

Un jour de printemps, dans ce pays-là, une femme décida d'écouter son corps.
- Je ne veux plus passer ma vie à maigrir debout. Je ne veux plus consommer le meilleur de mes énergies pour la peur de manger trop ou pas assez. Je ne veux plus passer des heures vitales à me sentir coupable d'avoir pas assez ou trop, à me sentir redevable de tout. Je ne veux plus passer l'essentiel de mes jours à me demander "pourquoi" je matraque mon corps par tous ces excès de nourriture, de mal-être, dans un sens ou dans l'autre...

Un autre jour, elle entendit un poète énoncer une phrase simple qui l'éveilla :
- J'ai mis longtemps à découvrir que je pouvais soit nourrir ma vie, soit continuer à la consommer. Je préfère pour ma part la nourrir, ajoutait le poète, en arrêtant de la consommer.

Cette phrase la poursuivit plusieurs jours encore, avant qu'elle ne se l'attribue et en prolonge le sens.
- Mais oui, je passe tellement de temps et d'énergie à nourrir mon corps et je ne sais même pas comment nourrir ma vie !

Elle avait enfin compris qu'il n'était plus nécessaire de nourrir son corps pour survivre, pour faire le poids. Qu'il n'était plus souhaitable de faire outrage à son corps, qu'il n'était pas indispensable d'avoir à son égard honte, colère et tristesse.
Qu'elle pouvait croquer sa vie à pleines dents, sans que son corps se sente obligé de faire contrepoids.
qu'elle pouvait consommer du bonheur, le bonheur d'être entière et vivante.

Le soir-même, elle invita sa propre Vie à sa table.
- Ma vie je t'invite, ce soir tu es mon invitée d'honneur.

Elle mit sa plus belle nappe, deux assiettes, deux couverts, deux verres, deux bougies et prépara un excellent repas.
Elle servit l'assiette de sa Vie en premier, délicatement, en choisissant les morceaux, en soignant la présentation, puis elle jeta à son habitude la nourriture dans son assiette à elle, l'assiette de son corps...
Elle prit sa fourchette, piqua, ouvrit la bouche... allait enfourner le tout... quand elle se ressaisit et mangea en entier, avec plaisir, l'assiette... de sa Vie.
A partir de cette expérience, tout se transforma dans son existence.
Elle sut qu'elle pouvait nourrir sa Vie de mille stimulations, de millions d'inventions, et cela avec créativité et tendresse. Avec une infinitude de petites attentions, de gestes et de regards respectueux pour le compagnon le plus fidèle de son existence, son propre corps.

Elle découvrit qu'elle savait nourrir ce corps de vie, plutôt que d'angoisses et de chagrins.

Elle inventa même une expression bien à elle :
- Se faire chaque jour plaisir et tendresse à sa Vie.
Elle confia à ses amis :
- Je ne pouvait plus continuer à passer ma vie à grossir debout.
Aujourd'hui je vis ma vie sans la consommer, je vis mon existence en lui donnant... vie.




Jacques Salomé [Contes à guérir, contes à grandir]



;)
40 ans 4422
J'adore...
Merci Ptiventre !
G
53 ans bretagne 1134
j'adore aussi :D
A
34 ans Ouest 910
trO bien!
25680
Je ne connaissais pas cet auteur.

Exellent :)
L
67 ans Belgique 118
J'ai assisté à une de ses conférences voilà quelques années (.....Les Maux (mots) pour le dire.......).fabuleux ...c'est quelqu'un qui aide vraiment à aller de l'avant ses livres sont supers...je ne connaissais pas ce texte il mérite d'être lu et relu ...@+
P
46 ans 64
Je suis contente que ça vous plaise :D

Anne, tu ne connais pas Jacques Salomé ? Je t'invite chaleureusement à aller faire un tour sur son site et de lire quelques uns de ses ouvrages, notamment ses "contes à guérir, contes à grandir" et "contes à aimer, contes à s'aimer"
40 ans 4422
Je suis allée sur son site.. et j'ai éclaté de rire !
En cours de management une prof nous avait passé une vidéo d'un de ses séminaires et j'avais trouvé ca plutot ridicule et ennuyant à en mourire.
Et pourtant ce texte m'a beaucoup plus sans savoir que c'était lui.
Hihi heureusement que je ne me souvenais plus du nom !
Merci encore Ptiventre ;)
36 ans Charleville-Mézières 1453
très bon texte !!!

Lodie s'en va courir après le poète, ayant déjà commencé le chemin, grace a Jode... et si c'était lui mon poète ?? :arrow: :arrow:
S
37 ans france 2687
chouett!! :D
47 ans bdr 1353
Merci!!!!! je pense qu'il faudrait lire ça à chaque fois que ça ne va pas, la morale vaut son pesant d'or!!!
35 ans 1240
je trouve que c'est une belle histoire qu'on devrait méditer plus souvent...
K
45 ans Hettange Grande, Lorraine 5130
oui, jolie histoire...
45 ans bordeaux 1019
Très beau petit conte.
45 ans Bruxelles 533
Ah vi, j'adore Salomé aussi moua :D
B I U