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Ces statues qu'on déboulonne

F
49 ans Neverland 1830
Une question qui a entraîné des débats brûlants autour de moi ces derniers temps, j'aimerais l'opinion éclairée des VLRiens. Les mouvements d'insurrection entraînent régulièrement des destructions du patrimoine. Statues déboulonnées,  
palais rasés, édifices religieux 'recyclés'. Pour prendre un exemple parlant, disons les destructions de la Révolution francaise. Comprenez vous que la ire populaire entraine des pertes considérables ? Estimez vous au contraire que ces destructions relevent de la barbarie populacière la plus minable ?
41 ans Une bibliothèque j'espère, sinon ma thèse ne finira jamais... 2848
Ah j'aime bien cette question, je vous remercie de me l'avoir posée ( comme dirait tout bon homme politique qui se respecte ).

Gardons donc l'exemple dela révolution :
Ma première impression, en tant qu'amateur d'Histoire et d'art, est l'indignation : Voir une statue décapitée ( ou au moins le nez cassé, comme à Saint Denis ) me révulse littéralement.
Voir un tableau lacéré, voir un lieu historique galvaudé en bâtiment tout moche idem....

Donc a priori c'est inqualifiable, et je n'hesite pas a crier au sacrilège et au régicide.

Problème : comment juger tout cela a posteriori 2 siècles après ?
L'esprit de la Révolution était d'instaurer un ordre totalement nouveau ( enfin du moins pour les sans-culottes, qui ont effectué toutes ces mutilations, beaucoup moins pour les Orléanistes ou les Girondins :roll: ).
A partir de là, leur démarche est logique : on tue le roi, symbole vivant, on change le calendrier, symbole historique : il fallait détruire les autres symboles....

Bref en tant qu'historien je ne peux pas condamner.... ce n'est pas mon rôle...
...mais en tant qu'amateur d'art je le fais !

A noter d'ailleurs que les révolutionnaires n'ont pas monopole en la matière : je pense aux iconoclastes byzantins, qui ont commis un véritable génocide artistique à leur époque...

F. ( et toi Saucisse, qu'en penses tu ? :P )
B
40 ans 3449
Oui, enfin, y'a certaines statues qui sont tombées (par exemple celle de Saddam Hussein) et je pense que c'est plutôt un symbole de liberté que de destruction d'art, notamment car ils voyaient probablement dans cette statue la personnification de Saddam Hussein.

Bassianus a raison, il faut replacer les choses dans leur contexte. La Révolution Française a été une période de profond bouleversement et je doute que l'art ait intéressé la majorité à l'époque...
7404
symboliquement je ne peux en effet que comprendre et me dire aussi que si l'on veut que l'art soit accessible à tous on se doit de concevoir qu'il soit aussi fragile.....par contre j'ai du mal à comprendre comment on peut, encore actuellement, ne pas prendre en considération des destructions d'oeuvres comme les bouddhas de Bamiyan....leur destruction par le régime des talibans, ainsi que de toute autre forme d'art sur leur territoire aurait du apparaitre comme un signe ...mais je m'égare là :?
53 ans Belgique 3287
De toutes façons, il faut renouveller non ?

Sauvegarder l'ancien c'est bien mais pas au détriment de la vie de notre temps...

Il est évidemment des oeuvres qu'il convient de protéger, mais tout édifice ancien, toute statue de personnage possède-t-ils des qualités artistiques ?
7404
Eveange a écrit:
De toutes façons, il faut renouveller non ?

Sauvegarder l'ancien c'est bien mais pas au détriment de la vie de notre temps...

Il est évidemment des oeuvres qu'il convient de protéger, mais tout édifice ancien, toute statue de personnage possède-t-ils des qualités artistiques ?


non et il y en a pas mal de sauvegardés qui euuuuuuuh bof quoi :lol: mais il y a tant et tant de pertes...puis juger l'art ce n'est pas non plus une démarche très saine. Personnellement je ne vois pas en quoi renouveller oblige à détruire.... :?
41 ans Une bibliothèque j'espère, sinon ma thèse ne finira jamais... 2848
Eveange a écrit:


Il est évidemment des oeuvres qu'il convient de protéger, mais tout édifice ancien, toute statue de personnage possède-t-ils des qualités artistiques ?


Artistiques peut-être pas mais historiques probablement ;)
37 ans 92 / 69 5897
Alors déjà...

Je verrais ici deux cas : lorsque l'on parle de batiment, s'il a été compl_ètement détruit (comme Anet), je suis outrée, virulente, méchante dans le débat... Ent ant qu'amateur d'art, voir des oeuvres de Philibert Delorme, ou encore la statue de saint denis dans la cathédrale d'amiens avec une tête coupée, ou des tombes précieuses pillées (archéo), j'ai bcp de mal...

Si je me place d'un point de vu historique, je me dis que c'est l'histoire du batiment (d'où la différence d'opinion entre le batiment complètement détruit; ouh là je dois me contenter de gravure : autant dire que c'est odieux) et le deuxième cas : le batiment devenu public ou partiellement détruit (l'abbaye de fontevraud devenu une prison ou encore la sainte chapelle abîmée)...

La révolution française a apporté bcp, et son existence fut remarquable ...

Je comprends leur position, il n'avait que le moyen de casser pour s'exprimer (pas de vote, pas de représentant)...

Mais je ne l'admets pas !

Surtout quand j'entends à cchaque visite de monuments les pertes désastreuses pour notre patrimoine !
37 ans 92 / 69 5897
Je préciserai (cela pourra apporter peut être d'autres lignes pour la question)

:arrow: que chaque changement de gouvernement, ou syst-me politique, entraine, à plus ou moins grande échelle ce processus : destruction de statue de lenine, ou encore en irak etc... C'est récurent...
Est ce que fnalement ce qui appartient au pouvoir ou à sa propagande, contient uen connotation différente (les églises, et les chateaux au XIX... appartenaient au pouvoir...)

:arrow: n'y aura t il pas une différence fondamentale tojours entre quelqu'un dans l'histoire, et quelqu'un plus dans l'art, ou hjistoire de l'art ?
F
49 ans Neverland 1830
sabishoo a écrit:
n'y aura t il pas une différence fondamentale tojours entre quelqu'un dans l'histoire, et quelqu'un plus dans l'art, ou hjistoire de l'art ?


Il me semble que la difference que tu évoques là pose directement la question de l'objet de l'histoire de l'art. On le voit également dans les nuances évoquées par Bassianus.

Lorsqu'on évoque une oeuvre du patrimoine on parle toujours, outre sa valeur artistique, du contexte, du pourquoi de son existence. Il me semble qu'une statue décapitée en dit autant que si elle avait gardé sa tête. Cela montre à quel point ces oeuvres ne sont pas que des "oeuvres", l'art déborde la simple problématique du beau (art instrument de pouvoir pour asseoir la propagande des classes dirigeantes de l'ancien régime dans le cadre qui nous occupe ici). On ne peut plus étudier la partie manquante certes, mais la raison pour laquelle elle manque n'est pas anodine, et devient elle même objet d'étude.

Les pertes sont inestimables je pense qu'on peut s'accorder la dessus, mais elles font malgré tout partie intégrante du devenir de l'oeuvre et reflete même souvent la raison pour laquelle elles ont été financées à l'origine. Alors bien sûr il ne s'agit pas de légitimer les destructions d'un Hitler faisant brûler les ouvrages de thomas mann. Simplement maintenant c'est fait, il me semble qu'il faut se concentrer sur ce que signifient ces destructions, et proteger le patrimoine de notre temps (donc tout ce qui nous reste du passé et ce qui apparait aujourdui).
41 ans Une bibliothèque j'espère, sinon ma thèse ne finira jamais... 2848
Bon déja voir Sabrina dire en gros la même chose que moi c'est rassurant, ca prouve que je dis pas n'importe quoi :lol:


flying_saucisse a écrit:

Les pertes sont inestimables je pense qu'on peut s'accorder la dessus, mais elles font malgré tout partie intégrante du devenir de l'oeuvre et reflete même souvent la raison pour laquelle elles ont été financées à l'origine. Alors bien sûr il ne s'agit pas de légitimer les destructions d'un Hitler faisant brûler les ouvrages de thomas mann. Simplement maintenant c'est fait, il me semble qu'il faut se concentrer sur ce que signifient ces destructions, et proteger le patrimoine de notre temps (donc tout ce qui nous reste du passé et ce qui apparait aujourdui).


Tu soulèves un point intéressant : les pertes ne sont-elles pas en elles-mêmes un élément historique à part entière ?
Si on se place d'un point de vue purement historique, en oubliant toutes les considérations artistiques....
Quel est l'élément historique le plus intéressant ? Une banale statue de Saddam Hussein en plomb....ou la même statue déboulonnée et foulée au pied ?
Assurément pour l'historien ce sera la seconde.....

Mais encore une fois la dichotomie entre art et histoire est la réponse de base, à mon sens, à ta question : Un historien de l'art ne pourra jamais cautionner des destructions, car par définition il se préoccupe de la création, et non à la destruction, sans intérêt pour lui.
Alors que l'Historien peut s'intéresser à la destruction...

Excellent débat en tout cas :)
F
49 ans Neverland 1830
Bassianus a écrit:
Un historien de l'art ne pourra jamais cautionner des destructions, car par définition il se préoccupe de la création, et non à la destruction, sans intérêt pour lui.


Dans le sens où tu l'entends, irréfutable, parfait.

Mais si tu veux bien, nous pouvons pousser plus loin dans l'abstraction: l'histoire de l'art n'est elle pas dans une certaine mesure une serie de destructions ?

Qui peut dire si des fragments perdus de l'histoire de rome de Tite Live n'ont pas été grattés par un quelconque moinillon étroit, pour pondre une de nos belles enluminures qu'on protège comme un saint suaire ?

Aurait on donné à une école artistique de la Renaissance française l'argent investi par Anne de Montmorency dans une dizaine de ces quelques 130 chateaux, qui sait combien d'oeuvres majeures supplémentaires seraient aujourd'hui au Louvre ?

Paradoxe: c'est à la Constituante (c'est à dire quelque part avant 92, ils ont réagit rapidement compte tenu des circonstances) que nous devons le musée des Monuments Français. Chaque fois qu'on visite un site de l'Ancien Régime, on a droit à la liste de ce que la Révolution a détruit. Cela ne doit pas faire oublier combien elle en a protegé de débordements devenus inévitables. Car enfin nous n'avons pas affaire à une espece de Dark Vador de la culture qui détruit pour le plaisir, mais bien à un séisme social d'une ampleur d'autant plus vaste qu'elle a lieu dans un pays où la démographie est la plus forte d'Europe (à part la Russie, mais enfin...) et où les symboles monarchistes pullulent. Quand la folie destructrice est collective, il devient difficile de légitimer une position manichéenne.

On ne peut pas demander à l'historien de l'art de cautionner toutefois il doit admettre que ces destructions il en vit. Et là pardon de sombrer dans la facilité mais dans histoire de l'art il y a aussi histoire, il n'y a qu'à jeter un oeil sur leur programme universitaire.

Ce que l'humanité crée, elle le fait en recyclant l'espace, les materiaux, le temps et les artistes. C'est regrettable je ne dis pas le contraire, mais il me semble que c'est la regle du jeu. Réjouissons nous de ce que nous avons pu sauver sans oublier que ce que nous conservons comme de précieuses reliques est bien souvent le fruit de pertes antérieures.

Je dirais enfin (et là j'en termine promis) que si nous avons le coeur serré par la destruction d'Anet (et c'est discutable je maintiens qu'il reste un bout de portail c'est déjà bien :lol: ) , nous ne sommes guère émus par les pertes énormes d'oeuvres dont nous ne soupçonnons pas l'existence par des artistes que le temps a effacé parfois fort injustement et qui nous arracheraient autant de cris d'admiration que les productions des géants adulés aujourd'hui.

En conclusion je dirais que nous pouvons positiver: nous avons de quoi nous amuser un moment avec le patrimoine que nous avons, et l'histoire de l'art de fait que commencer. Et ce patrimoine nous le devons aussi aux destructions.
876
flying_saucisse a écrit:
Estimez vous au contraire que ces destructions relevent de la barbarie populacière la plus minable ?


L'art est souvent le fait des intellectuels. Lorsqu'il y a révolution, cette révolution parfois populaire, parfois militaire est guidée par des leader charismatiques (ou dictateurs, ça se discute, ça dépend de quel bord est celui qui se pose comme juge). Or ces leaders souhaitent remplacer la pensée en place par la leur.
Donc "du passé faisons table rase". D'où camps de travail pour les intellectuels, brullage de livres, réécriture des manuels d'histoire et destruction des oeuvres artistiques (à Palerme, on a émasculé les statues qui faisaient pas classe devant les églises).

Mais je suis très choquée de constater que tu puisses penser que ces actes barbarie soient le fait d'une classe populaire et pas la volonté d'une classe bourgeoise ou militaire.

Attention, tu dérapes !
F
49 ans Neverland 1830
defy a écrit:

Mais je suis très choquée de constater que tu puisses penser que ces actes barbarie soient le fait d'une classe populaire et pas la volonté d'une classe bourgeoise ou militaire.


La proposition était là à titre d'exemple, je n'ai pas pris position à ce sujet, simplement donné deux exemples opposés d'arguments entendus au cours des discussions que j'ai eu à ce sujet. Merci pour le reste de ta réponse en tout cas. :D
876
Autant pour moi.
:roll:
B I U