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Cas de conscience

38 ans 3267
J'ai lu recemment l'excellent "Ados, la fin de l'innocence" sur la relation d'un nombre grandissant de jeunes de tous milieux. Mais l'histoire qui sert de point de départ a provoqué  
chez moi un cas de conscience, comme l'indique le titre de ce post. Il s'agit d'une jeune fille, en fin de collège,déjà affectée par la mort de son père et le handicap de sa soeur, donc plus vulnérable, qui devient, suite à la rencontre avec une manipulatrice de son age et un vrai piège, le jouet de dizaine de garçons, qui l'attendent plusieurs fois par jour par groupe de trois pour l'attendre ou qu'elle aille, la violer oralement ou "traditionnellement", attendant leur tour en la tripotant et la frappant, le tout pendant plusieurs mois. La justice française étant ce qu'elle est, le procès ne s'achève que 8 ans après, 8 ans de justifications, d'hypocrisie et de dépression. Comme beaucoup d'autres, la jeune fille se réfugie dans les scarifications et l'hyperphagie ( 60 kilos en 6 mois).

Voilà mon cas de conscience: je suis de ceux qui luttent ardemment contre les régimes,et prône l'acceptation et l'amour de soi, tel qu'on est. Mais cmment aller dire à cette jeune fille, ou d'autres dans le même cas, qu'elles doivent accepter un corps qui est le résultat de leur souffrance, le résultat de leur destruction, lerésultat de ce qu'on a fait d'elle? Lui dire d'aimer un corps qui va dans le sens de ses bourreaux, c'est selon eux un boudin juste bon à "se vider"? Personnellement, je ne le pourrais pas, honnetement. Et vous, nobles VLRiens?/VLRiennes?
45 ans lorraine (54) 3
bonsoir
je ne crois pas qu'on puisse se permettre de dire à tout un chacun qu'il faut s'aimer et s'assumer tel qu'on est, justement car on ne connait pas les histoires des gens...
Moi j'ai commencé a prendre du poids suite au divorce + que difficile de mes parents. J'ai ensuite été victime de viols repetés pendant des années. J'ai alors grossi un peu plus chaque année. 2 fois par la suite j'ai faillie etre violée a nouveau.
Depuis des années j'essaye de perdre ces kilos parce que je ne trouve pas "ca" joli, ni "pratique", et surtout car cela me rapelle sans arret tout ca.
Impossible d'assumer le resultat d'une douleur et des mauvaises actions des autres... Ce serait une peine à vie.
Il n'y a rien qui m'ennerve et me peine plus que d'entendre: arrete d'essayer de maigrir et accepte toi comme tu es...
Pour moi ce serait une sorte de resilience, d'acceptation. Si j'arrivai a maigrir assez pour changer d'image (je ne cherche pas a etre vraiment mince car je n'aime pas ca) j'aurai l'impression d'avoir gagner sur ceux qui m'ont fait du mal.

en esperant que ca participe a ta reflexion :)
katia
1834
Pour moi LovelyLexy la réponse serait très simple : un cas comme celui-ci dépasse de loin mon "cadre de compétences" de personne
lambda et je ne me risquerais donc pas à essayer de faire quoi que ce soit d'autre que de l'envoyer vers des solutions appropriées.

C'est peut-être une réponse en forme de pirouette, mais faut savoir accepter que certaines choses nous dépassent complètement.
35 ans Vie de... (-_-)' 1067
J'avais un peu poser le même style de question dans un vieux post. J'en avais conclus (personnellement) que ce n'était pas toutes les grosses qui pouvaient s'accepter, tout simplement parce l'histoire varie et nous n'avons pas tous la même personnalité pour faire face (et je ne parle pas d'être fort ou faible de caractère).

C'est bien de faire tout son possible pour qu'une personne aime son corps mais, il faut aussi se dire que ça peut ne pas fonctionner.
Ce n'est pas parce que certaines arrivent malgré leurs physiques à être heureuse en prenant tel chemin que ce sera la même chose pour les autres.

La philosophie :"toutes les grosses doivent s'aimer tels qu'elles sont à 100%" j'aime pas!

Biz!!
2630
Clairement, chacun a son vécu et dire de manière générique aux gens en surpoids qu'il faut maigrir ou qu'il ne faut pas maigrir, est forcément une façon de se planter dans certains cas.

Moi par exemple, j'ai toujours été très ronde, et je l'acceptais plutôt bien, d'ailleurs à une époque où je faisais autour de 105kg, je me sentais bien dans ma peau, je me sentais belle, etc ...
A cette époque, je suis partie de chez moi pour mes études, j'ai commencé à prendre doucement du poids et puis il y a eu une "chute", totalement inattendue, imprévisible et dont je ne me suis pas rendue compte ; je suis tombée dans une sorte de dépression, je fonctionnais comme un zombie sans être "consciente", je pleurais tous les soirs, et je mangeais, je mangeais, je mangeais ...
Ça a duré 4 mois, jusqu'au moment où je suis rentrée chez mes parents ; en quelques semaines, j'ai eu l'impression de me réveiller d'un cauchemar, de sortir la tête de l'eau ...
Et c'est là qu'horreur, je me suis rendue compte que j'avais pris 35kg.

Ça a été extrêmement dur pour moi rien que de l'accepter, je portais toujours les mêmes vêtements, trop serrés, et je me disais juste que c'était pas possible ...
Je n'ai d'ailleurs que de très rares souvenirs de cette période de "dépression", mes souvenirs sont flous, comme dans un brouillard ; mon compte en banque a par contre gardé la trace d'avoir été quasiment vidé par des courses incessantes pour aller acheter à manger ...

J'ai du admettre que ça s'était bien produit, mais depuis je ne peux supporter ces 35 kilos qui me sont apparu un jour dans la figure sans que je me rende compte de rien.
Je ne supporte pas l'idée d'avoir perdu le contrôle, de mon corps et de ma volonté, et l'idée de me faire à ces kilos me rebute totalement, ce serait accepter la défaite de mon mental, m'admettre comme étant faible ; je veux revenir à mes 100/105kg où je me sentais bien, et pour moi, perdre ces kilos me parait être le moyen de reprendre le contrôle de mon corps ...
Ça ne fera pas de moi quelqu'un de mince, voire même de "joliment ronde", je serais toujours très grosse, mais ce sera mon corps, celui que j'aimais, celui dans lequel je me sentais bien, pas celui qui m'a été imposé ...
35 ans Vie de... (-_-)' 1067
J'ai vécu le truc similaire le coup de la réalité d'un coup dans la face...

Après une opération lourde, j'ai été en inactivité, mon corps à beaucoup été perturbée par cet opération. Et paf, 20 kg en trop du jour au lendemain... C'est d'autant plus dure pour moi que ces kg ne sont pas dus à des problèmes psy, juste un corps perturbée par une intervention grave et extérieur à moi (surtout que mon alimentation n'avait pas changé d'un iota...)
Voilà comment je suis passé de 100-5kg à 120kg et ça, ça me reste en travers de la gorge...
1834
Il y a deux choses qui me semblent sont biaisées dans vos discours.


Premièrement, la philosophie de VLR c'est pas de dire "soyez grosses !" mais de retrouver des habitudes
alimentaires saines en écoutant son corps et, par la suite, accepter que le poids qui nous va bien ne soit
pas forcément celui d'une taille mannequin, mais qu'il soit fait aussi d'imperfections, de bourrelets, etc.
Mais personne ne dit de simplement s'accepter comme ça, par magie, si on se déteste tel qu'on est...

Je résume rapidement, mais en tous cas c'est ce que j'ai compris, peut-être que je me trompe.


Et deuxièmement, il ne faut jamais oublier qu'on est sur un simple forum composé de personnes lambdas qui,
pour l'immense majorité, n'ont pas de compétences particulières mais livrent des conseils et des témoignages.
Une certaine généralisation est normale, parce qu'il faut bien une base commune pour former une communauté,
mais aussi parce que des automatismes s'insèrent logiquement à force de devoir répondre aux mêmes questions.

Il est évident que certains cas plus particuliers nécessitent certainement des réponses adaptées mais
dans ce cas VLR est-il bien l'endroit le plus adéquat, c'est peut-être ça la bonne question à se poser ?

Rien ne remplace ici l'expertise de gens dont c'est le métier et qui sont payées pour ça.
Ici on vient chercher de l'écoute, des conseils, des encouragements, du partage, de la vie etc.
Mais ça reste un "simple" forum avec toutes les limites que ça comporte, faut pas perdre ça de vue.
2630
Mi-k-l a écrit:
Premièrement, la philosophie de VLR c'est pas de dire "soyez grosses !" mais de retrouver des habitudes
alimentaires saines en écoutant son corps et, par la suite, accepter que le poids qui nous va bien ne soit
pas forcément celui d'une taille mannequin, mais qu'il soit fait aussi d'imperfections, de bourrelets, etc.
Mais personne ne dit de simplement s'accepter comme ça, par magie, si on se déteste tel qu'on est...


Cette partie-là, s'applique aussi au "cas de conscience" du premier post, non ?
38 ans 3267
Certes, Lwena; en fait, mon cas de conscience est né du fait qu'à la fin du récit du calvaire de cette fille, il est mentionné qu'elle se lancedans un régime très strict pour maigrir; mon problème est, je sais que cegenre de régime ne marche généralement pas, mais d'un autre côté comment le dire à quelqu'un qui veut se débarrasser des traces de son martyr, ou lui parler du long processus qu'est la RA alors qu'elle a déjà souffert 8 ans?
60 ans 91 25732
Il est évident qu'en connaissant tous les éléments d'une histoire, notamment celle-ci, que ma réaction serait différente.

Cette jeune femme ne veut pas perdre du poids pour aller mieux, ou parce qu'elle a un petit souci d'image, elle veut détruire ce corps dont des gens mal intentionnés se sont servis sans son consentement. Sa tentative de régime n'est sans doute que le début d'un parcours qui pourrait la mener à des extrémités dramatiques.

Dans ce cas, j'avoue également mon incompétence. Si je peux donner des conseils à une personne qui, comme moi, n'a eu à vivre qu'un surpoids un peu embêtant mais sans histoire grave derrière, des cas comme celui-ci ne relèvent pas de ma compétences. Ce qui m'inquiète dans ce cas, ce n'est pas l'effet yoyo, ça serait un moindre mal en fait. L'inquiétant c'est le désir de destruction.

Déjà, j'évite de répondre sur les forums de TCA, je n'en ai jamais eu, je ne connais ces troubles que par personne interposée, je ne suis pas la mieux placée pour dire ce qu'il faut faire.

Dans ce cas là non plus. La seule chose que je pourrais dire c'est qu'en aucun cas elle n'est responsable de ce qui lui est arrivé, que les vrais coupables sont ceux qui lui ont fait du mal et qu'elle va devoir trouver une aide efficace pour s'en sortir, car je doute qu'un régime seul soit une vraie réponse à un problème aussi grave. Je ne pense pas pouvoir aller plus loin. :?
38 ans 3267
En fait, Patty, la destruction du corps par les TCA correspond plutôt à la phase d'hyperphagie, alors que la décision de perdre du poids accompagne le verdict, la reconnaissance de ce qu'elle a subi et la décision de reprendre ses études.
60 ans 91 25732
Quand je dis que je n'y connais rien en TCA ! ;)

Et si ça l'amenait à l'anorexie ? Parce que ça par contre je l'ai vu en hôpital psy, sur des cas pas tout à fait similaires (une jeune fille abusée par son père pendant des années). Elle avait fait de l'hyperphagie pour grossir en "espérant" que son père n'aurait plus envie d'elle et ensuite elle est passée à l'anorexie, pour faire disparaitre ce corps, puisque gros il était encore plus présent (enfin ça c'était l'analyse du psy qui la suivait).

En fait j'ai du mal à penser qu'un régime simple résolve son problème et qu'elle sorte des TCA juste parce qu'elle a décidé de perdre du poids. Mais je peux me tromper et j'espère pour cette jeune femme que c'est bien une phase de reconstruction.

Quant au régime ben... Des salauds ont fait subir des choses inacceptables à son corps, et c'est elle maintenant qui va continuer à contraindre ce corps en le faisant maigrir. Je le sens pas du tout... :(
38 ans 3267
C'est vrai, hélas. Mais, en même temps, il me semble difficile de lui dire qu'il ne faut pas chercher à perdre son surpoid car son corps est le résultat de son autodestruction ( hyperphagie+scarifications sur chaque parcelle de peau+TS), ou qu'elle doit entreprendre une lente RA alors que notre merveilleuse justice l'a faite poireauter huit ans...
40 ans Bruxelles 7458
Ton interrogation est intéressante et je n'ai pas répondu tout de suite parce que je ne savais pas comment m'y prendre. Je ne suis pas encore certaine d'avoir les bons termes pour le faire mais je vais tenter.

J'ai la sensation que nous cherchons trop souvent à hiérarchiser la souffrance et à considérer qu'une grande souffrance doit être porteuse de plus de respect. Quelque part, je me demande si ça n'incite pas à rester victime. Ce questionnement me turlupine depuis un moment déjà parce que j'ai moi-même été victime de faits plutôt graves.

Depuis que j'ai réussi à me dire que tout le monde pouvait souffrir, même de quelque chose qui peut sembler anodin pour la masse et que je n'étais en rien exempte du processus d'affirmation de soi, je me donne la permission d'avancer.
J'ai déjà eu une amie qui s'est mise à me pleurer dans les bras parce qu'elle se ne trouvait pas suffisamment jolie et féminine. Ça peut sembler anodin par rapport à ce que j'ai vécu mais j'ai compris qu'il n'en était rien. C'est la subjectivité qui compte: La relation à la souffrance.

Alors, je ne vois pas pourquoi il faudrait prendre plus de pincettes avec une personne ayant plus souffert (à nos yeux) qu'avec une autre. Parce que nous ne savons pas ce qu'il se passe, au niveau subjectif, pour un individu. D'ailleurs, c'est quand j'ai été libérée de mes bourreaux que mes problèmes psychiques ont réellement débutés. Quand il n'y avait "plus vraiment de raison", si on veut. D'ailleurs on me l'a assez dit que je n'avais plus de raison d'aller mal maintenant que j'étais à l'abri. On ne peut pas dire que ça m'ait aidée...

Je suis obèse, j'ai bien conscience que c'est à cause de tout ça mais je ne souhaite pas maigrir. Peut-être parce qu'ils voulaient justement que je sois maigre au point de disparaître, je n'en sais rien. Avant, j'avais le désir de maigrir. Je ne pensais qu'à ça et puis quelque chose a changé et maintenant je me bats pour améliorer réellement ma vie, pas pour une silhouette.

Je crois qu'il y a des étapes et que, s'il faut laisser à chacun la liberté de les découvrir, on n'est pas obligé de réfreiner ce qu'on voudrait dire. A moins que l'autre ne veuille rester une créature en sucre. Mais, dans ce cas, les problèmes sont loin d'être résolus parce que la vie ne décide pas qu'une personne a suffisamment souffert: Elle continue à présenter des épreuves.

Pour finir, j'ai envie de dire que ce n'est pas parce qu'on n'est pas prêt à entendre quelque chose qu'il est inutile de l'avoir entendu. Ça peut revenir par après, lors d'une étape différente. Et réfléchir ne peut pas faire de mal, même si on est en profond désaccord.
46 ans Ouest lyonnais 1301
Oxymore a écrit:
J'ai la sensation que nous cherchons trop souvent à hiérarchiser la souffrance et à considérer qu'une grande souffrance doit être porteuse de plus de respect. Quelque part, je me demande si ça n'incite pas à rester victime. Ce questionnement me turlupine depuis un moment déjà parce que j'ai moi-même été victime de faits plutôt graves.

...

C'est la subjectivité qui compte: La relation à la souffrance


Je suis totalement d'accord avec toi ! J'ai moi même beaucoup souffert dans le passé. Et ma première prise de poids était en relation directe avec cette souffrance. Et pourtant, je m'accepte comme je suis, et je ne veux pas qu'on me regarde différemment ou qu'on me traite différemment à cause de mes cicatrices.
Et comme je dis à mes amis, leurs histoires ne sont pas moins graves que la mienne, l'important, c'est comment eux les vive.


Peut-être a-t-elle justement besoin d'être traitée comme une personne "normale", et pas comme une pauvre petite chose fragile...
B I U