Cette plongée frontale, hyper documentée et hyper réaliste dans l'univers de la Brigade de Protection des Mineurs permet non seulement la découverte d'une branche de la police méconnue du grand public et méprisée en interne, mais aussi de toutes ces affaires sordides qui font le quotidien de ces agents admirables : pédophilie, viol incestueux, attouchements, mauvais traitements, abandon, mensonges d'enfants, etc. Autant de scènes d'interrogatoires où l'horreur le dispute à la médiocrité, où le crime est revendiqué avec la désinvolture la plus abominable ou dans un déni ou une bêtise désespérants, voire, cas exceptionnel (l'adolescente et son portable volé) hilarants. La scène du Musulman engueulé en arabe par la flic, du petit black abandonné par sa mère SDF ou du père de famille qui a des amis hauts placés en en profite pour avouer en souriant que, oui, il couche avec sa fille, sont parmi les plus fortes.
Car c'est l'un des miracles du film de Maïwenn : conserver en permanence l'humour et l'humanité au milieu de cet océan de honte et de révolte. Grâce à un montage habile et un casting impressionnant de justesse et d'intensité (Joeystarr est formidable en flic à fleur de peau qui peste de ne pas avoir assez de moyens),
Polisse alterne entre scènes de commissariat et scènes de la vie de tous les jours, montrant comment le métier de ces policiers contamine leur quotidien, parfois jusqu'à l'irrémédiable, mais aussi comment ils résistent pour ne jamais perdre l'humanité, le détachement, le recul nécessaires pour ne jamais (trop) perdre pied.
Si je devais émettre un seul bémol, il concernerait le personnage de Maïwenn. Dans
Pardonnez-moi, elle se filmait en train de filmer "sa" famille. Dans
Les actrices, elle se filmait en train de filmer des actrices. Là, elle se filme en train de photographier les flics, et pour la première fois son dispositif de mise en abîme n'apporte rien au film. Pire, il crée la seule vraie faiblesse d'un scénario admirable en traçant l'itinéraire assez grossier d'une nana de Belleville qui s'ennuie dans les hautes sphères de la bourgeoisie parisienne et va retrouver auprès de la brigade qu'elle suit la sensibilité qu'elle avait perdue, finissant par retourner dans ses vieux quartiers manger du tajine et photographier les gens de la rue. Il semblerait qu'elle ait décidé de se consacrer désormais uniquement à la réalisation : tant mieux, car ses trois premiers longs forment un début de filmo brillant.
A part ce détail, Polisse est assez irréprochable et incontestablement un film très, très fort.