Je trouve l'esprit fabuleux car il fait un peu ce qu'il veut de la réalité physique parfois. Effectivement, il y a comment on se perçoit et comme on est et encore comment on est perçu... et ensuite, comment on perçoit la façon dont on est perçu ou la façon dont on perçoit les termes utilisés... J'imagine que les souffrances terminologiques sont liées à ces décalages.
J'ai adoré un de mes lapsus la dernière fois : je me suis entendue dire, là, allongée avec 48 kilos
au mètre carré, sur le divan moelleux et solide de mon analyste "quand j'étais grosse..." :D Le pire, c'est que par rapport à ce que je voulais dire, c'était tout à fait juste.et je n'aurais pas pu mieux le dire!
De mon côté, je crois que je parle de "ronde" pour décrire la silhouette, le côté volumes, reliefs du corps, l'aspect sensoriel de mon corps; grosse de façon courante, pour me qualifier simplement si je veux parler de mon corps sur ce point là, c'est un terme générique; obèse quand il s'agit plus de mon corps et de sa santé.
L'autre fois, un gamin parlait de moi en disant baleine. J'adore les baleines, je trouve que c'est un animal fascinant, mais tel qu'il en parlait, c'était péjoratif pour moi. Je lui ai dit qu'il n'avait pas à parler de moi ainsi, énervée. Si quelqu'un me disait avec plaisir que j'étais une très jolie baleine, je suis presque sûre que je le recevrai comme un compliment (tout en notant le choix du compliment).
Pourtant, quoi qu'il en soit, je n'ai rien à voir avec une baleine.
D'ailleurs, je me suis rendue compte aussi que je n'avais plus de mal à me qualifier de sirène quand je parlais de ma passion pour la natation, alors que je n'ai pas du tout "le corps de sirène" habituellement imaginé quand on dit ça.
Cette histoire de mots me semble toucher à des choses beaucoup plus intimes et primaires que les mots dans le champ socioculturel (qui a aussi son importance). Finalement, ce que je trouve difficile dans tout ça, c'est comment donner une forme (un nom, une représentation, une image) à ce que l'on est et se sentir "compris" dans cette forme, contenu par elle, familier et capable de s'y reconnaître. J'ai eu vraiment souffert de ne pas réussir à me représenter, à savoir à quoi je ressemblais.
Je ne me reconnaissais pas plus dans le chiffre de mon poids que dans le regard bienveillant et sensible à la beauté perçue chez moi de mes proches.
Vous vous êtes déjà demandée si/quand vous avez ressenti que vous étiez grosse ?
Moi, j'ai l'impression que c'est quelque chose qu'on m'a dit, que j'ai assimilé comme quelque chose d'extérieur à moi mais qui me définissait moi. Enfant, j'ai entendu ça, j'ai compris que j'étais grosse et que je devais maigrir. Je n'arrive pas à me souvenir si à un moment donné, avant ça, je me suis sentie grosse "en moi".