Bonsoir,
Toute nouvelle sur le forum, je passe directement par ici parler de ce qui m'a vraiment poussée à le rejoindre. Épanchement ou main tendue, je ne sais pas trop, mais
je crains qu'il faille s'attendre au pavé...
Je suis étudiante, j'ai 19 ans (bon allez, 20 à la louche), et j'ai longtemps fait de l'hyperphagie. Longtemps, mais plus à présent, et, même s'il est difficile d'avoir vraiment du recul à cause de mon jeune âge, c'est ça que j'avais envie partager avec vous. Parce que ce qu'il faut retenir dans l'histoire, c'est qu'on peut s'en sortir. Je n'ai pas du tout la prétention ici de livrer des leçons miracles pour mettre fin à toute TCA, parce que je n'ai que mon vécu personnel, aucune habilité à le faire, et que ce qui a marché pour moi ne marchera pas pour quelqu'un d'autre.
J'ai toujours été une enfant bien en chair. Dynamique, gourmande, un bon coup de fourchette, mais rien d'inquiétant. Sauf que mes parents, médecins, ce sont inquiétés quand il ont vu que la courbe de croissance n'était pas exactement là où il aurait fallu. Donc, vers 8 ans, direction la diététicienne. Celle-ci, raisonnée, n'a pas eu la folie de mettre une gamine aussi jeune au régime, et ça c'est résumé à un rappel des bases de nutrition.Sauf que dans ma tête d'enfant, je me suis apparue anormale, même si personne ne me l'a dit comme tel. J'étais grosse, puisque j'avais eu besoin d'aller voir un médecin pour les gros. Pas comme les autres, en somme.
Le mal-être était là avant, c'est certain. Mais s'il se cristallise autour de la nourriture, ce n'est pas anodin. Bref, près de 10 ans d'hyperphagie ont suivi, avec des phases plus ou moins aiguës.
Cela fait un an que je ne fais plus de crise. C'a été long et c'est seulement quand j'ai fini par m'accepter véritablement que j'ai pu y mettre fin. La fin de l'hyperphagie, c'était le bout du chemin pour ma part : tout le travail se fait avant, et c'était la dernière marche, celle que je ne pouvais pas franchir tant que je n'avais pas réglé le reste.
Non, ce n'est pas une question de volonté. Mon hyperphagie était une addiction, mais une addiction qui était le symptôme d'un mal-être autre. Symptôme aggravant, puisqu'il ruine littéralement l'estime de soi, mais symptôme tout de même. Alors aujourd'hui, je veux en parler, parce qu'il est intolérable que l'on stigmatise un mal-être. Parce que NON, la volonté ne suffit pas, et c'est un discours qui n'a pour unique effet que d'enfoncer une personne qui souffre.
Aujourd'hui, je suis en paix, autant que je puisse l'être, avec cette partie de ma vie, qui est du passé et qui n'en est pas tout à fait. Hyperphagique, je l'ai été et sans doute une partie de moi le sera toujours. Je sais que chez moi, la pente est plus glissante qu'elle ne le serait chez d'autre, et qu'on bascule vite. Mais je suis libre. Je ne contrôle pas ma nourriture, je ne cherche pas à mincir à tout prix : j'ai déjà été assez esclave de la nourriture, et il est hors de question que je m'enchaîne à nouveau par un contrôle effréné. Ronde, je l'ai été, et avec mes 71kg (+/-)pour 1m65, je le suis sans doute encore pour beaucoup.
Mais c'est ce que je suis et c'est sans doute ça le plus important : je ne regrette pas mon hyperphagie. Elle est constitutive de ce que je suis, de ce que j'ai été, et je me suis construite contre elle mais aussi avec elle. J'ai eu mal, j'ai été seule face à elle, mais si je suis telle que je suis aujourd'hui, c'est aussi grâce à elle.
C'est un discours qui est sans doute facile à tenir une fois que l'on n'est plus confrontée de manière directe aux crises. Mais là encore, il s'agit juste de mon expérience personnelle.Alors voilà, les TCA ne sont pas une malédiction. On s'en sort, et chacun de manière singulière, parce que le mal-être est celui de chacun. Mais on s'en sort.
On en a jamais vraiment fini avec ces sujets, mais comme j'ai déjà pondu un bon roman, je vais m'arrêter là. A travers mon vécu, je voulais juste signifier qu'il n'y a rien d'irrémédiable.Parce que sans doute, si quelqu'un m'avait dit à l'époque que je n'étais pas seule, pas une loque qui s’aplatit devant la nourriture, mais en souffrance et que je pouvais m'en sortir, peut-être le chemin aurait-il été moins long.