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"L’abus sexuel ça va, le viol, bonjour les dégâts !
Rappelons cette publicité préventive contre l’abus d’alcool : « Un verre ça va, deux verres, bonjour les dégâts ! ». On peut user mais pas abuser. Quelque part, le mot abus implique que l’on a un droit d’user dans certaines limites et sous certaines conditions. Si l’on applique cette idée au terme tant utilisé « abus sexuel », cela signifie que l’on a des droits sexuels sur l’enfant mais qu’il ne faut pas aller trop loin. C’est d’ailleurs pourquoi en France on a classifié les infractions sexuelles selon une échelle de « gravité » avec des peines proportionnelles. Malheureusement, c’est mal connaître les conséquences des infractions sexuelles, qui peuvent varier d’un individu à l’autre. C’est aussi punir des actes physiques sans tenir compte de l’acte psychologique très grave : la trahison d’un lien d’amour et de confiance. Quand il s’agit d’inceste, cette trahison peut mener au suicide même si il n’y a pas eu de rapport sexuel complet, et ce, quel que soit l’âge de l’enfant. Les termes violences sexuelles ou infractions sexuelles seraient plus appropriés. Attention, l’expression « agressions sexuelles » est à utiliser avec circonspection car il s’agit d’une appellation juridique. Les infractions sexuelles se répartissant en trois catégories : les délits d’atteintes et d’agressions sexuelles et le crime de viol. Pour illustrer la permissivité en vogue dans notre société, précisons que les atteintes sexuelles (ex : attentat à la pudeur) sont des agressions sexuelles sans violence, menace, contrainte ou surprise. Interprétation juridique : la victime était consentante et ce quel que soit son âge. Ci-après, un communiqué illustrant le résultat de cette permissivité, datant certes de 1977, mais la loi existe toujours et personne ne parle de la supprimer. Il est tellement évident qu’un enfant de cinq ans ne va pas dire non, se défendre, prendre une arme, crier... quand son papa ou son grand-père va s’adonner à des actes sexuels sur lui. Enfin, la situation rappelle étrangement les arguments d’Outreau qui, c’est le moins qu’on puisse dire, ne bénéficient pas aux victimes.
Le Monde du 26 janvier 1977 : Nous avons reçu le communiqué suivant :
" Les 27, 28 et 29 janvier, devant la cour d’assises des Yvelines vont comparaître pour attentat à la pudeur sans violence sur des mineurs de quinze ans, Bernard Dejager, Jean-Claude Gallien et Jean Burckardt, qui arrêtés à l’automne 1973 sont déjà restés plus de trois ans en détention provisoire. Seul Bernard Dejager a récemment bénéficié du principe de liberté des inculpés. Une si longue détention préventive pour instruire une simple affaire de " moeurs " où les enfants n’ont pas été victimes de la moindre violence, mais, au contraire, ont précisé aux juges d’instruction qu’ils étaient consentants (quoique la justice leur dénie actuellement tout droit au consentement), une si longue détention préventive nous paraît déjà scandaleuse. Aujourd’hui, ils risquent d’être condamnés à une grave peine de réclusion criminelle soit pour avoir eu des relations sexuelles avec ces mineurs, garçons et filles, soit pour avoir favorisé et photographié leurs jeux sexuels. Nous considérons qu’il y a une disproportion manifeste d’une part, entre la qualification de "crime" qui justifie une telle sévérité, et la nature des faits reprochés ; d’autre part, entre la caractère désuet de la loi et la réalité quotidienne d’une société qui tend à reconnaître chez les enfants et les adolescents l’existence d’une vie sexuelle (si une fille de treize ans a droit à la pilule, c’est pour quoi faire ?) La loi française se contredit lorsqu’elle reconnaît une capacité de discernement à un mineur de treize ou quatorze ans qu’elle peut juger et condamner, alors qu’elle lui refuse cette capacité quand il s’agit de sa vie affective et sexuelle. Trois ans de prison pour des caresses et des baisers, cela suffit. Nous ne comprendrions pas que le 29 janvier Dejager, Gallien et Burckardt ne retrouvent pas la libérté".
Ont signé ce communiqué : Louis Aragon, Francis Ponge, Roland Barthes, Simone de Beauvoir, docteur Bernard Kouchner, Jack Lang, Judith Belladona docteur Michel Bon, psychosociologue Bertrand Boulin, Jean-François Lyotard, François Chatelet, Patrice Chéreau, Philippe Sollers, Copi, Michel Cressole, Gilles et Fanny Deleuze, Bernard Dort, Françoise d’Eaubonne, docteur Maurice Erne, psychiatre Jean-Pierre Faye, docteur Pierrette Garrou, psychiatre Philippe Gavi, docteur Pierre-Edmond Gay, psychanalyste docteur Claire Gellman, psychologue, docteur Robert Gellman, psychiatre André Glucksmann...et bien d’autres.
« Ce n’étaient QUE des attouchements »
Certains avocats disent qu’ils vont plaider une affaire « touche pipi » lorsqu’il s’agit d’attouchements ou, juridiquement parlant, d’atteintes ou d’agressions sexuelles sur mineur. Le terme utilisé dans le langage populaire, par son sens, minimise les actes commis par l’agresseur. Toucher, caresser, qu’y a-t-il de mal là-dedans ? De plus, on parle souvent de « simples » attouchements, ou « que des attouchements ». Il est courant de penser que les attouchements, ce n’est pas grave, qu’il n’y a pas de quoi en faire un plat. Pourtant, les conséquences sont tout aussi graves pour la victime car une fois encore, on esquive l’aspect psychologique de l’acte : la trahison. Cette trahison, suivie de l’incrédulité de l’entourage ou pire de la justice, va enfoncer la victime dans la culpabilité et la honte qu’elle subit déjà depuis l’acte. Si les actes se sont déroulés « en douceur », cette culpabilité sera d’autant plus forte. Notons que les conséquences de l’inceste, pour des victimes de viol ou d’agressions sexuelles par un membre de leur famille, sont les mêmes qu’il y ait eu un rapport complet ou non. La loi s’en tient à l’acte pur, la société aussi, et plus triste encore, les victimes aussi. Elles se persuadent que ce n’est pas grave, ne demandent pas d’aide, ne portent pas plainte, jusqu’au jour où la souffrance et les symptômes, inévitablement, font surface. Tentatives de suicide, suicides, automutilation, alcoolisme, toxicomanie, prostitution, dépressions... la liste des dégâts est très longue, et tout ça pour quelques caresses... C’est pourquoi le terme d’attouchements devrait sortir de notre langage. Nous avons largement de quoi le remplacer : agressions sexuelles, violences sexuelles, infractions sexuelles....
Les mots sont importants, surtout lorsqu’il s’agit de lutter contre un tabou. A nous de prendre conscience de leur importance et de ce qu’ils peuvent induire, déclencher pour l’autre et pour nous-mêmes. Preuve en est, la bataille pour arriver du « présumé coupable » au « présumé innocent ». On ne voit pas les choses de la même manière selon l’expression employée, on ne traite pas non plus la personne de la même manière. Au nom des victimes d’inceste et de pédocriminels, rayons de notre vocabulaire la pédophilie, le pédophile, les abus sexuels, les attouchements."[url][/url]