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Un tournant délicat, que je ne veux pas rater

35 ans 940
Par où commencer ?
Par un petit bonsoir, peut-être ?
Cela faisait un certain temps (2, 3 ans ?) que je n’étais plus revenue par ici (peut-être certains/certaines se souviendront-ils de moi  
– si oui, je vous salue !), essentiellement par manque de temps.
Du temps, aujourd’hui, je n’en ai pas tellement davantage, mais je crois que c’est ici que je trouverai les meilleurs conseils pour traverser la "situation alimentairo-corporelle" dans laquelle je me trouve actuellement, aussi ai-je décidé de repousser la porte de ce forum, dont je garde un excellent souvenir.

Je ne suis pas sûre d’être tout à fait dans la bonne section, mais tant pis, je me lance.
Pour vous la faire brève, je suis hyperphage depuis l’adolescence et ai un rapport assez compliqué à mon apparence physique et à la nourriture (manger avec sa tête, et non avec le corps). Les choses se sont un peu améliorées au fil des années (plus de guerre ouverte à mon corps ; disons que je lui fichais la paix), mais je me sens aujourd’hui face à un tournant important et délicat de mon "histoire corporelle", et la vérité c’est que je crois que je suis un peu perdue.

Pour vous la faire brève (bis – enfin j’essaie, mais c’est pas gagné), ma vie a été extrêmement compliquée tous ces derniers mois. J’ai eu beaucoup, beaucoup, vraiment beaucoup de choses à gérer, à tel point que je n’avais simplement pas le temps/l’énergie de réfléchir/penser/m’inquiéter de mon alimentation/de mon apparence physique. De ce côté-ci, la seule chose à laquelle je faisais attention était de manger varié pour éviter d’avoir à gérer des soucis de santé/des carences en plus de tout le reste.
En d’autres termes, dans ma vie c’était tellement la merde qu’il n’y avait plus de place pour la nourriture dans ma tête. Alors, spontanément, mon corps a pris le relai. Naturellement, mes portions se sont réduites, et j’ai mangé de tout sans aucune culpabilité, mangeant quand j’avais faim et m’arrêtant tout simplement à satiété.
Parce que ma vie c’était la merde, je me suis aussi mise à régulièrement me balader pour m’aérer la tête, et mon corps s’est habitué : je constate que j’ai désormais de la peine à rester enfermée toute une journée chez moi sans bouger un minimum.
Conséquence normale de ces deux points : je n’ai plus fait de crises alimentaires depuis des mois, et j’ai perdu du poids. Combien, je n’en sais rien, je n’ai pas de balance et je m’en fiche, mais c’est un fait : on me le dit (« Toi t’as maigri ! ») et je flotte totalement dans certains vêtements.

Et c’est là que tout se complique. Parce que la roue est en train de tourner : ma vie est moins compliquée. Et je ne peux pas ne pas le voir : oui, en effet, j’ai maigri. Bien sûr, je l’avais constaté avant – mais avant, j’étais en mode survie. D’une certaine façon, pour la première fois depuis longtemps, mon corps et moi ne faisions qu’un, et c’était nécessaire pour ne pas sombrer.
Mais voilà, maintenant que les choses se calment, je sens ma tête s’agiter ; les vieux mécanismes se remettre en place. Je ne m’en fiche plus, de maigrir. Ou plutôt, surtout, je n’ai pas envie de reprendre du poids. Et je me surprends même à vouloir "l’améliorer" encore, ce "nouveau corps" (« Si je perdais là, j’aurais vraiment un corps super ! Et si j’arrive à me débarrasser de cette peau d’orange... »).
Ce rapport naturel à mon corps qui s’était mis en place ces derniers mois dans la tourmente, j’ai cette affreuse impression de le perdre depuis quelques jours (parce que j’ai un peu plus faim, ces derniers temps, alors tout de suite se réveille la peur de la reprise de poids). J’ai ce sentiment que ma tête veut reprendre les commandes, et j’ai très peur que les choses dérapent, que les troubles alimentaires réapparaissent. Et ça, je n’en ai pas envie. Je n’ai pas envie de refaire la guerre à mon corps (d’autant plus que cette période m’a fait prendre conscience de certains blocages sur lesquels je compte bien travailler ces prochains mois). Mon corps, j’ai juste envie de l’aimer, d’en prendre soin et d’y vivre joyeusement. Simplement. Mais, malgré ces fortes aspirations, je sens que j’ai de la peine à museler ma tête : à enrayer les vieux mécanismes de contrôle (qui font manger avec la tête, et non avec l’estomac et ses sensations naturelles).
Alors me voilà de retour par ici, avant qu’il ne soit "trop tard"…

Peut-être aurez-vous des conseils à me donner ? Peut-être l’un-e d’entre vous est-il/elle déjà passé par une telle étape ? Je suis ouverte à tous vos témoignages, et d’avance vous en remercie. Vraiment.
(Et désolée pour le pavé, et merci à ceux qui en seront venus à bout!)
E
47 ans 179
Ton post me parle vraiment beaucoup. Moi aussi j'ai réalisé ces dernières années beaucoup de choses et notamment que plus j'étais dans un stress profond, existentiel, moins je me posais de question autour de la bouffe. Un stress léger, des tergiversations mentales, me font manger. Un vrai gros problème arrive et là, je ne mange que ce dont j'ai vraiment besoin : et je maigris. Et comme toi, lorsque la tempête se calme, je remange sur un mode compulsif. J'ai aussi peur car le poids remonte à chaque fois. Et je n'ai pas encore trouvé la solution, mais je crois qu'à chaque fois la rechute est moins forte et moins longue.
35 ans 940
Merci Edwigette de ton message, dont j'ai beaucoup aimé la fin ;)
De ton côté, si j'ai bien compris, les "complications" surviennent lorsqu'il y a de la place pour elles dans ta tête? Et elles se manifestent par des comportements à tendance hyperphages?

De mon côté, je ne sais pas trop si on peut parler d'une méthode, mais j'essaie de m'en ficher, car ce qui complique mon rapport à la nourriture ce sont vraiment des pensées du type "je ne veux pas reprendre / je veux continuer à maigrir". (C'est ce qui enclenche mon TCA, la plupart du temps il me laisse tranquille, on se comprend bien tous les deux :lol: )
C'est assez bizarre parce que du coup mon rapport au corps est "décalé" ("je te vois et je vois que tu as maigri mais en fait je vais faire comme si je ne le voyais pas et continuer de vivre normalement sans y penser"), ce qui n'est pas idéal je trouve, mais pour l'instant c'est la seule chose qui fonctionne et me permet de manger naturellement.

En tous cas, écrire ce texte m'a vraiment aidé à prendre du recul et ça va mieux depuis, ma tête a arrêté de s'agiter. Du coup je me dis qu'il faut juste que je garde le cap (que je continue à m'en ficher, en somme) et que je sois aussi préparée à ce que ce genre d'agitations puisse ressurgir de temps à autre (notamment quand je sens que j'ai plus faim que d'habitude).

Par contre, je me demandais : est-ce que c'est une étape qu'on peut rencontrer dans une RA "normale"? Est-ce que ça peut s'apparenter à l'acceptation de son physique naturel, de son "set point"? Si oui, à celles/ceux qui suivent une RA, quels seraient vos conseils? :Fade-color
E
47 ans 179
Je peux essayer de te répondre sur l'aspect "RA classique". Perso j'ai toujours fait de l'hyperphagie, déclenchée suite à une série de régime et restrictions alimentaires farfelues à l'adolescence. Par la suite je n'ai jamais pu retrouver une véritable régulation de mon poids. Encore que... si pendant deux ou trois ans mon poids était stable car j'avais décidé de ne pas m'en préoccuper. Et un énième régime m'a fait "replonger" dans les TCA.

Je suis depuis un an une thérapie avec psychologue nutritionniste. Elle m'a aidée à détricoter pas mal de choses et croyances. Après une phase très cool de perte de poids, de stabilité émotionnelle, j'ai stagné. Je ne perdais plus. Du coup, je me suis mise à me peser sans arrêt, à réfléchir de nouveau à ce que je mangeais, aux quantités. J'en ai parlé à la psy bien sûr. Elle m'a dit de lâcher prise... résultat j'ai repris super vite le poids perdu.

Mais maintenant j'ai repris les choses calmement. Je me dis qu'il n'y a rien de "magique" au fait de reprendre ou perdre du poids. Juste des mécanismes qui se mettent en place ou se défont. Donc je fais un peu de méditation (un peu hein), j’apprends à me recentrer sur mes émotions, et je trouve que ça (re)marche plutôt bien ainsi. En fait je crois que le perfectionnisme et la tristesse d'être gros nous mènent aux compulsions en droite ligne. Je crois qu'on a pas le choix de SE CALMER et refuser de se laisser aller à du fatalisme.

Enfin voila pour moi :)
35 ans 940
Edwigette a écrit:
SE CALMER


Je suis assez d'accord avec toi effectivement, j'ai aussi l'impression que la solution c'est de s'efforcer de prendre du recul pour apaiser les pensées qui nous parasitent la tête et compliquent tout!
En tous cas merci de tes réponses :)
56 ans Région nîmoise 1567
Après le blitz que tu as traversé, peut-être -et je dis bien PEUT ETRE- qui'l faudrait que tu admettes 2 points :
-le premier, et tu t'en es rendu compte car tu as maigri, c'est que tu as cessé de "sur-manger" pendant cette période particulière, donc tu es sortie de l'hyperphagie
-le second, c'est qu'il est très possible que tu aies "sous-mangé" parce que justement tu ne pouvais pas prêter suffisamment attention à tes sensations alimentaire
Dans cette optique, il serait logique que maintenant tu aies davantage faim. Le poids qui est le tien est celui que tu maintiendras sans problème sans avoir faim. Et tu ne le connais probablement pas encore, mais il ne serait pas étonnant qu'il soit légèrement actuel à ton poids actuel, mais sans être celui qui était le tien quand tu souffrais d'hyperphagie.
Il me semble qu'accepter ça est un élément essentiel pour ne pas retomber dans les TCA. Je sais qu'après une perte on ne voudrait jamais remonter, mais ce n'est pas nous qui décidons à la place de notre corps.
Courage !
56 ans Région nîmoise 1567
Lire : "qu'il soit légèrement supérieur à ton poids actuel", dsl
6
Tes questionnements me parlent, parce que je suis passée par une phase un peu similaire récemment...

La fin de mon hyperphagie a correspondu à une période de perte de poids assez marquée. Aujourd'hui, j'ai atteint un poids nettement inférieur, mais qui continue à être supérieur à ceux des canons de beauté de l'inconscient collectif. Pareil, j'ai eu la tentation d'essayer de continuer à perdre, de perfectionner, de pousser, de voir jusqu'où je pouvais aller.

Alors, une fois que je me suis aperçu que j'avais réussi à vaincre mes TCAs, je me suis simplement posé la question : que voulais-je ? Me libérer d'une compulsion qui m'avait fait bien trop souffrir, ou me conformer à une image idéale ? J'ai choisi le premier. J'ai lâché, laissé tombé. Et à ma connaissance, je n'ai pas repris de poids, pas perdu non plus.

Je crois que j'ai vraiment réussi à passer le cap en changeant de regard sur moi-même. Je savais, depuis longtemps, que j'avais un regard déformé sur mon corps, que je ne le voyais pas tel qu'il était. C'est ce qui m'avait d'ailleurs poussée à me rabattre sur des critères "objectifs", comme le poids sur une balance.

Alors, c'est bête, mais j'ai passé des heures devant mon miroir. A observer mon corps sous toutes ses coutures. Et j'ai fini par le trouver beau, tel qu'il est. Aujourd'hui, non seulement j'ai renoncé à mincir, mais je ne veux pas mincir. Parce que ce corps, je l'aime et il est moi.

Je ne sais pas si cela peut t'aider dans ton propre cheminement. Mais ce qui a marché pour moi, c'est apprendre à me regarder.
B I U