La beauté des femmes dans les années 1930 à aujourd'hui...

Je ne pense pas que la beauté ait tellement changé... Les grands yeux "à fleur de tête", le menton fin, c'est assez typique du XVIIIe siècle et du romantisme. Mais comme on n'a pas de photographies d'époque, c'est difficile de se faire une idée du modèle non modifié par le regard de l'artiste.

Je dirais que, jusqu'à récemment, c'est la finesse et la régularité des traits, ainsi que l'harmonie du visage, qui étaient salués. Cf. Sissi, considérée comme l'une des plus belles femmes du XIXe : voir là.

Visage ovale, bouche assez fine, belle symétrie générale. C'est un peu la beauté type à la Winterhalter (voir ici).

Mais il n'y a pas un seul modèle de beauté. "Jo, la belle irlandaise", rousse, un peu plus "lippue", aux traits plus massifs, a fasciné Courbet et Whistler :
Ici par Courbet : http://www.metmuseum.o...ollection-online/search/436001

Ici par Whistler : http://fr.wikipedia.or..._%28The_White_Girl%29_1862.jpg

Ce type de beauté plaisait beaucoup aux préraphaélites anglais (voir là).

Et puis c'est culturel. La beauté anglaise, au XVIIIe siècle, est en partie incarnée par les modèles de William Hogarth. "La marchande de crevettes", par exemple, est une fille du peuple au teint frais, au nez plus retroussé : http://www.larousse.fr...Marchande_de_crevettes/1310967

A peu près à la même époque, pourtant, Gainsborough peignait des beautés qui rejoignaient davantage les canons français : http://en.wikipedia.or...f_a_Lady_in_Blue_-_WGA8414.jpg

Plus le XIXe siècle avance, plus la beauté se diversifie dans l'art moderne. En fait, comme aujourd'hui, tout est affaire de goût. Les deux grandes demi-mondaines de la Belle époque étaient physiquement et moralement assez différentes. La belle Otero, beauté latine, rivalisait avec Liane de Pougy, une beauté plus "aristocratique" avec son visage ovale, ses traits fins, et son clair regard rêveur.

L'énorme différence avec les canons de beauté contemporains, je trouve, c'est l'attention portée à l'équilibre du visage, et à une forme de mesure. C'est vraiment frappant pour les lèvres, qui étaient appréciées plutôt fines. Les grosses lèvres, les seins disproportionnés, le teint bronzé, auraient paru vulgaires, ou en tout cas pas très distingués. Angelina Jolie, par exemple, n'aurait sans doute pas eu le même succès...

Mais bon, ces considérations font abstraction du charisme de la personne. "Sissi" rayonnait aussi par son esprit, son charme et sa grande intelligence. En bref, pour juger de la beauté d'une personne et de sa perception par ses contemporains, il demeure tout ce que l'image figée peine à saisir : l'aura, l'élégance, les attitudes, la voix, etc. etc.

Ah, et ta question sur le "respect" apportée aux femmes comme égales, MissWillow, m'a fait penser à ce magnifique "double" portrait des époux Lavoisier, par Jacques-Louis David : http://fr.wikipedia.or...eur_Lavoisier_and_His_Wife.jpg

Marie-Anne Pierrette Paulze était une femme très intelligente et brillante (scientifique, artiste, éditrice), qui "assistait" (difficile de savoir dans quelle mesure exactement) son mari chimiste dans ses travaux. Dans ce portrait réalisé peu avant la Révolution (époque plutôt progressiste en ce qui concerne les droits des femmes), la femme reste une compagne, mais le peintre traduit bien l'estime que lui porte son époux, et l'artiste lui-même. C'est l'homme qui est au travail, au centre du tableau, mais son regard et celui du spectateur sont aimantés par cette femme, dont David parvient à rendre le magnétisme et l'intelligence. Faisant corps avec son mari, elle prend physiquement et symboliquement le dessus, quoiqu'avec bienveillance. Par ailleurs, c'est davantage son charisme qui saute aux yeux que sa beauté. Elle n'est pas objectivée par le peintre, elle existe en tant qu'individu.

C'est un tableau unique de ce point de vue là. Je n'en connais pas d'aussi saisissant.

C'est vrai qu'il y avait plusieurs sortes de canons. Comme aujourd'hui je dirai d'ailleurs, de nos jours, on voit des visages différents, on laisse facilement la place à la diversité.

Par rapport à ta seconde question, c'est drôle cette espèce de... fascination pour les femmes en fait. :D Quand tu lis les livres, tu as l'impression qu'ils étaient émerveillés à chaque femme un peu bien véties, ou naturelles... A en croire que toutes les femmes de cette époque étaient comme dans les canons. xD Parce que comme tu dis Aphasie, la condition des femmes était qu'elles restent des "biens", mais comme tu l'expliques sur le tableau, y'a une façon de les représenter comme des déesses.

Tiens, je me posais une question par rapport aux corsets ; A force d'en porter, leur taille était donc déformée, étroitisée. Mais comment ça se passait lorsqu'elles étaient enceintes du coup ? Le pauvre bébé dans l'utérus qui devaient avoir si peu de place ! Et je n'imagine même pas un ventre rebondi de grossesse sur une taille resserrée à l'extrème... Et puis, encore, je peux saisir la "vision érotique et gracieuse" dans la taille resserrée quand on est habillé. Mais il devait bien arriver ou elles se dévêtissaient devant leur époux, comme pour le devoir conjugale. Ca ne les effrayaient pas les hommes de voir à quoi ressemblait la taille de leur femme une fois le corset ôté ? A moins qu'elles ne le retirent jamais... :shock: (Pis v'la l'angle à 90% -crac- si elles enlèvent leur corset, plus rien n'est soutenu. :lol: )

Je pense que dévêtue ça ne devait pas être plus disgracieux que ça... Le corps prenait la forme du corset, imposé très tôt aux jeunes filles, du coup je ne pense pas que ça ne "tombait" quand on l'enlevait.

Par contre je ne m'étais jamais posé la question de la grossesse... Effectivement ça devait être hyper inconfortable !

Je réponds à ta question Aphasie avec ce lien sur un site qui explique comment se déroulaient la grossesse au fil des âges.

Et bien, il existait carrèment des corsets de grossesse afin que la grossesse, jugée disgracieuse, soit discrète (pauvres bébés...)

http://histoire-du-cos...es-vetements-de-maternite.html

En ce moment je bouquine L'histoire de la laideur féminine de Claudine Sagaert.
C'est un peu dur pour l'instant de lire tous ces exemples autour duquel les femmes sont associées à la laideur (physique, morale). L'auteur décrit comment la beauté était essentiellement associée aux qualités de l'esprit et de la maîtrise de soi, cela étant surtout associé aux hommes.
Elle évoque aussi comment la laideur a été stigmatisée à une forme d'insoumission au pouvoir en place, détenu par l'Eglise, par les hommes.
Pour ce qu'il en est de notre époque contemporaine, je n'en suis pas encore arrivée là dans le bouquin.
http://www.editions-im...446&categorie=Histoire%20de...
Je serai curieuse de connaître d'autres avis si certains lisent l'ouvrage ;)

ça a l'air intéressant, Papille.

papille a écrit:

Ca me fait penser aux sorcières: des femmes laides (verrue sur le nez, bossues, grand nez crochu...) et considérées comme insoumises aux règles de la société (notamment par leur insoumission à la foi catholique, puisqu'elles priaient le diable).

Tu as fait le même lien que l'auteur qui justement décrit cela et s'attarde sur deux figures incarnant la laideur féminine, celle de la vieille et de la sorcière : celle-ci est souvent seule et sans enfant, ayant l'affront de se montrer insoumise aux lois sociales, religieuses et au savoir de la médecine détenue par les hommes. Ca leur a valu d'être tuées pendant longtemps dans notre continent, et qui continuent de l'être ailleurs (entre 1500 et 2500 femmes assassinées pour avoir été soupçonnées de sorcellerie ces quinze dernières années).