andrea74 a écrit:Cela pose la question de vouloir changer ce corps, ou de faire l'effort philosophique de l'accepter. Je cherche dans cette dernière voie. Je n'y arrive pas.
Je ne suis pas sûre que tu n'y arrives pas, pas parce que je sais mieux que toi ou tu en es ;) , mais parce que je trouve que ton message témoigne d'un processus dans lequel tu es engagée.
Personnellement j'ai éprouvé que m'accepter ne passait par par la joie d'être moi et la jubilation de me trouver belle et de me mettre en valeur selon les codes d'aujourd'hui. Pas du tout. C'est passé par une grande tristesse, d'accepter d'être juste telle que j'étais, de laisser tomber celle, tant chérie, que j'aurais voulu être. Quel chagrin. J'en avais parlé ici
http://www.vivelesrondes.com/forum/viewtopic_383311.htm
Être triste d'être soi, se trouver sans beauté corporelle, se sentir déformé par sa différence, on pourrait se dire que c'est ne pas s'accepter. Pourtant, ça a été pour moi un des pas les plus importants et déjà empreint d'acceptation. Je n'ai pas eu de phases gloire à moi même comme certaines peuvent le traverser ou comme on peut l'assimiler à l'acceptation parfois. Non, juste une phase: bienvenue à moi-même. Mon regard s'est adoucit sur moi-même par rapport à mon corps et je ressens parfois de la beauté en me voyant. La plupart du temps c'est relié à mon plaisir interne, si je me sens bien je me sens d'autant plus susceptible de susciter du plaisir pour d'autres ou pour moi-même.
C'est pour ça que je t'invitais à être le mieux possible dans tes vêtements et sous-vêtements, si tu dois réunir tout ton courage (et je trouve vraiment qu'il en faut quand la morphologie est atypique), mobilise le pour ça plus que pour lutter contre la peur. D'abord toi, ensuite les autres.
andrea74 a écrit:Papille,
Je relis encore ton message, et le dialogue des regards que tu décris est une idée qui me parle. Je pense fortement qu'elle peut m'aider (moi et d'autres, sur vlr ) à rétablir l'équilibre dans cette relation particulière à l'autre. Je dois me positionner en équivalence, et non en soumission, comme je viens de le comprendre grâce a l'exemple de dialogue que tu cites.
C'est tout à fait ça: en équivalence. Avant j'avais des sortes de compensation, genre regard dissuasif/agressif, tenu droit devant, ou fuyant.
J'avais peur que dans le "regard franc" employé dans mon message on imagine une réponse, un regard défiant. Pas du tout. Juste être là et accuser réception. Un regard consistant, adressé et ouvert, disponible, même s'il ne s'agit que de regards. Je ne suis pas ainsi dans toutes les situations, mais si je me sens en sécurité, je découvre une autre façon d'accueillir le regard des gens sur moi.
Ce qui m'aide c'est que je comprends sincèrement que certains soient interpellés dans la mesure où comme eux, j'ai vécu l'intoxication visuelle et je vis dans un endroit où la moyenne des corps contraste avec la mienne. Et surtout que je ne vis pas cette interpellation comme une confirmation d'un sentiment de honte, juste la réaction à la nouveauté, à la différence. Je le ressens moi-même quand quelqu'un avec une particularité croise mon regard, ça m'interpelle et j'ai envie de le regarder. Des fois ça me fait vivre des trucs désagréables genre de la peur, de l'effroi, mais c'est précisément en regardant que ça s'éclipse et se "neutralise" dans le sens de devenir bien plus neutre.
Je le ressens aussi pour moi, c'est dire. Par exemple, je suis vraiment très grosse et grasse, et comme je nage beaucoup, mes bras se musclent. C'est totalement inédit pour moi l'image d'un bras musclé et très gras, c'est curieux, au départ c'était comme si le muscle était recouvert, maintenant ça crée des sortes de nouveaux bourrelets à l'intérieur même de mon bras à cause du muscle qui prend un peu de volume. Quand je l'aperçois, vraiment, ça interpelle beaucoup mon regard. Et ça me paraît normal, j'avais encore jamais vu cela. Jusque là les muscles je les avais toujours vu représentés sur des corps "secs" dans le sens peu graisseux.
Mais il y a des regards de pitié, ou moqueurs. C'est encore autre chose et je pense que ça demande une énergie supplémentaire pour faire quelque chose à la fois de la violence reçue et à la fois de la violence que ça suscite.
andrea74 a écrit:Actuellement, mon apparence est tellement anormale que les regards traduisent une sorte de pitié.
Je vais tenter de répondre au regard... Je vais tenter... :?
Juste de le recevoir, pas forcément y répondre. On n'a pas forcément quelque chose à dire de ça. Juste que ce regard, il signale la présence bien vivante de quelqu'un et pas juste un corps réduit à une partie de lui.
De le recevoir du haut de ton corps tout entier, solide et pensant.
Se sentir solide, c'est un sentiment psychologique extrêmement rassurant et je trouve qu'il a de vraies racines corporelles, dans le tonus musculaire, l'ancrage au sol, les sensations posturales. Peut-être que c'est aussi une voie d'accès justement, le corps et les vécus toniques de celui-ci, pour se sentir confiant et sécure dans son esprit.
andrea74 a écrit:
Mais VLR pousse à s'assumer, c'est une tendance générale en tout cas.
J'ai d'ailleurs constaté que, concernant l'obésité et le regard des autres, il n'y a pas beaucoup de personnes ici qui proposent l'opération (ou le régime) comme solution, peu de gens s'y risquent. Ne trouvez vous pas?
Pour mon cas, plusieurs y ont pensé, comme si, dans le monde VLR, ma différence en est réellement une, et mérite ainsi d'être corrigée chirurgicalement.
Mais pas de souci là dessus 8) je comprends tout à fait celles et ceux qui le suggère (moi même j'y ai pensé) vu ce que je decris comme souffrance. C'était juste une impression.
C'est un constat intéressant effectivement. Je pensais en lisant que la question de l'opération vient plus en écho à tout ce que tu as décris comme conséquences qu'au regard des autres uniquement.
Mais c'est un paradoxe ordinaire dans le discours prônant l'acceptation de soi que d'inviter quelqu'un à s'aimer précisément en changeant quelque chose de lui-même. On peut le ressentir comme le fait qu'on est effectivement une hérésie à corriger. Mais je crois qu'il y a autre chose d'opérant dans cela, c'est qu'en changeant on expérimente quelque chose de nouveau qui peut aider à se décaler d'un vécu qui nous plombe. Le souci c'est que c'est tellement confondu et parfois tellement contaminé des codes de beauté sociaux que l'on finit par ne plus savoir si on parle de chercher à s'accepter soi ou à l'être par l'autre.
Je me souviens que ce qui m'avait aidé à me mettre bras nus pour la première fois à l'arrivée des chaleurs c'est d'être dans une situation nouvelle, différente et enthousiasmante et avec une amie à qui j'ai confié toute l'émotion que ça suscitait pour moi. Comme le maillot de bain par exemple était d'abord réservé à la piscine publique où je ne connaissais personne. Je ne me serai pas vue ainsi au boulot ou avec mes proches.
Et je crois très fort que si on répète ce genre de choses suffisamment de fois à la fin on arrive à les généraliser dans des situations courantes ordinaires et quotidiennes beaucoup plus facilement. Mais on peut commencer par un côté un peu "exceptionnel" ou en tout cas extrêmement contextualisé qui parfois favorise le truc crucial à mon goût: l'expérimentation.
Je radote à fond les ballons mais j'y peux rien, tes messages me touchent vraiment Andrea.