Voilà ce que j'écrivais il y a trois semaines, suite à une crise, désolée pour la longueur:
La pré-crise :
Sentant des envies de manger, je m’isole dans une chambre à l’étage,
loin de la cuisine, et je joue avec mon fils en regardant la télévision. Le programme pourrait m’intéresser mais mon esprit à du mal à fixer son attention. Je tiens le coup 30 mn, avec un chewing gum. Malheureusement mon esprit s’affole, il faut que je mange. Du sucré cette fois, d’urgence. Mais étant très préoccupée par mon poids, mon cerveau me joue un tour en me faisant voir le vomissement comme une solution. Et je tombe dans le piège, alors qu’une fois la crise passée je me rends compte que je n’ai jamais réussi à me faire vomir ne serait-ce que la moitié de ce que j’ai avalé…Mais qu’importe, à ce moment là je ne le sais plus et la machine infernale s’est enclenchée. Une sorte d’euphorie s’empart de moi, et j’agis désormais comme un robot. Le pas est franchi et il est impossible de faire marche arrière, et d’ailleurs à cet instant je n’y pense même pas.
Je prépare rapidement et fébrilement un énorme gâteau au chocolat, et dès qu’il est au four, je lèche la cuillère, puis tout le reste de la pâte collée au récipient. Un délice, le bonheur me submerge, et plus rien n’existe. Un coup de téléphone serait malvenu, y compris un appel de mes enfants qui me manquent actuellement, ou de mon mari que j’adore. C’est en cela que déjà, mon comportement est pathologique.
Puis je sors les biscottes, le beurre et les confitures, fait chauffer de l’eau pour faire un litre de thé destiné à faciliter la « vidange », du moins je l’imagine à cet instant. Tous ces préparatifs sont pénibles car retardent le début de mon « repas ». Mon bébé me demande à boire, j’obtempère en tâchant d’être gentille mais il m’exaspère terriblement. Enfin je m’assois et commence à beurrer mes tartines, juste du beurre pour les trois premières. J’y rajoute ensuite de la confiture, c’est encore divin, le monde n’est plus. Mon enfant m’en réclame deux que je lui prépare rapidement, et le renvoie vers la télévision.
Au bout d’une dizaine, Marie tente de réapparaître, elle crie dans ma tête : arrête toi là, et ce ne sera pas grave ! Tu n’auras même pas à vomir, tu sais comme c’est pénible, tu pourras même rattraper le coup en dînant léger ce soir ! Mais la maladie, ou l’autre moi, n’écoute rien et continue à dévorer pendant que le gros gâteau refroidit dehors. Elle se met même à s’inquiéter de son mari qui, en rentrant, humera l’odeur de chocolat, et donc qu’il faudrait pour être gentille lui en laisser une part, ce qui l’angoisse un peu…Je parle d’un gâteau pour dix personnes. J’avale du thé régulièrement, mais je commence à m’inquiéter, ce n’est plus si bon, je n’ai plus faim, et mon poids que je suis en train d’aggraver commence à redevenir réel. Je continue, le gâteau est tout juste assez tiédi pour que je puisse le manger. Je le démoule et y verse du sucre glace, il est parfait et ressemble à un eldorado.
Une idée pour l’accompagner : de la crème anglaise toute prête, juste à sortir du frigo.
Je m’en coupe une énorme part pour commencer, il est très bon mais je suis quand même frustrée : vu tout ce que je viens d’avaler, je ne peux pas l’apprécier comme je le voudrais…Qu’importe, je continue. La petite voix refait son apparition, et je ne prends plus aucun plaisir à manger. C’est même pénible, voir douloureux. Je commence à culpabiliser. Marie reprend les rênes, et je réussi enfin à m’arrêter.
Je me croise dans le miroir, et je réalise pleinement ce qui vient de se passer. J’ai presque envie de pleurer, je n’ai plus qu’un seul espoir : les toilettes. Je bois encore une tasse de thé. Quand faut y aller, faut y aller. C’est un vrai cauchemar, mais je me résous à ouvrir la porte, terrorisée par l’impact de ce que je viens d’ingurgiter sur mon poids. L’opération est laborieuse, comme à chaque fois. De toute façon je n’ai que ce que je mérite. Je suis une merde et les merdes vont aux chiottes. Elle est loin l’euphorie du début. Je regrette amèrement, mais je me lance, fermant la porte à clés et montant le volume de la télévision afin que mon fils ne m’entende pas. Zou, deux doigts dans la gorge, ça fait mal, rien ne sors. Affolée, avec mon autre bras je compresse mon estomac, et splatch ! Le thé éclabousse les toilettes, les murs, mon pull, il passe par mon nez et c’est atrocement désagréable. Là je suis totalement désespérée, ce n’est pas le thé dont je veux me débarrasser ! Une petite voix ricane dans ma tête : « mais, tu sais bien que tu n’arrives même pas à te faire vomir, tu l’as toujours su ! Tu es une incapable et une idiote, et c’est pour ça que je t’ais bien eue ! ». Je continue, c’est affreux, pénible, laborieux, pathétique. Je pense avoir vomi à peine le quart de ce que j’ai mangé, ce qui est catastrophique pour ma ligne. Plus rien ne veux sortir, magré mes efforts acharnés. Le vomi coule le long de mon bras, j’en ai partout, même dans les yeux. J’en pleure de rage, c’est ignoble. Et je constate, comme à chaque fois d’ailleurs, mais seulement APRES, que les vomissements font gonfler le visage. Certaines boulimiques ont d’ailleurs un faciès particulier.
Il est 18h30, l’odeur du vomi est tenace et répugnante, mon mari que j’ai saoulé avec mes problèmes toute la soirée d’hier ne va pas tarder à rentrer. Je voulais sentir bon, je vais me ruer dans un bain. Ca va être dur d’être gentille, de bonne humeur. Je m’étais promis pourtant que ce soir nous dînerions ensemble, mais je suis incapable de dîner, j’ai trop mal au ventre.
Je suis triste et j’ai peur. Jusqu’à quand vais-je grossir ? Je me promets de ne pas recommencer demain, et j’y crois….
Pour celles qui auront eu le courage de lire jusqu'au bout, merci, c'était trop long...
Aujourd'hui, je vais mieux car j'ai arrêté toute idée de lutter, et je poste dans le forum "anti-régime", ça me fait du bien...
Pour info, cela fait 14 ans que je me bat contre la boulimie, j'ai tout essayé, et pour l'instant la lecture attentive et approfondie de ce forum me fait plus de bien que rien auparavant.
J'ai aussi posté une présentation.
Courage à toutes, si vous vous reconnaissez dans la description d'une crise, sachez qu'on s'en sort, je suis en train de m'en sortir petit à petit...