Tout d'abord le Code du Travail dit :
Citation:Article L232-2 du Code du Travail
Il est interdit à toute personne d'introduire ou de distribuer et à tout chef d'établissement, directeur, gérant, préposé, contremaître, chef de chantier et, en général, à toute personne ayant autorité sur les ouvriers et employés, de laisser introduire ou de laisser distribuer dans les établissements et locaux mentionnés à l'article L. 231-1, pour être consommées par le personnel, toutes boissons alcooliques autres que le vin, la bière, le cidre, le poiré, l'hydromel non additionnés d'alcool.
Il est interdit à tout chef d'établissement, directeur, gérant, préposé, contremaître, chef de chantier et, en général, à toute personne ayant autorité sur les ouvriers et employés, de laisser entrer ou séjourner dans les mêmes établissements des personnes en état d'ivresse.
Vous noterez que la loi précise quasi clairement que seuls les ouvriers et les employés picolent, l'encadrement étant bien évidemment sobre comme un chameau, comme chacun sait... :roll: (et la marmotte, toussa... :roll: )
Dans ce texte, il faut prendre le mot "ivresse" comme "état anormal" et pas comme "imprégnation alcoolique", terme jugé discriminatoire.
En fait la législation est insuffisante, même si elle est en train d'évoluer.
Chaque entreprise doit donc avoir son règlement intérieur précisant les règles en matière d'alcool (interdiction stricte, consommation autorisée uniquement pendant les repas...). Mais ce règlement ne doit pas être discriminatoire...
En gros vous avez le droit de dire que l'alcool sur le lieu de travail est interdit mais si vous dites que quelqu'un est bourré, c'est discriminatoire ! Pourquoi ? Parce qu'on vous rétorquera que cette personne est "peut-être sous l'emprise de médicaments " (qui donnent une haleine parfumée au JB de 10 ans d'âge, on a fait des super progrès dans les génériques hein ! :lol: )
Vous avez aussi le droit de mettre des ethylotests à disposition mais pas d'obliger quelqu'un à s'en servir...
Un patron est responsable si l'un de ses employés en état d'ébriété cause un accident ou en a un lui-même dans le cadre de ses fonctions,car s'il se rend compte d'un danger potentiel, il DOIT l'empêcher. Un supérieur ne DOIT PAS laisser un employé manifestement sous l'empire d'un état alcoolique conduire un véhicule, travailler sur une machine...
Mais ça c'est facile à dire ! D'abord il faut pouvoir se rendre compte que la personne est sous l'empire de l'alcool et ça ne se voit pas toujours. Ensuite on n'a pas le droit de dire à quelqu'un qu'il est bourré, même si on le voit et qu'on le sent. On doit juste dire qu'on a le sentiment qu'il n'est pas apte à remplir ses fonctions. On doit simplement faire cesser la situation dangereuse mais on n'a pas vraiment le droit de sanctionner pour ça... (ça a aussi un peu évolué ça mais autant la sanction de l'alcoolique occasionnel est efficace, autant celle de l'alcoolique chronique aggrave souvent les choses).
Que faire dans ce cas ? Il faut empêcher la personne de prendre le véhicule ou d'aller sur sa machine. S'il y a une infirmerie à demeure, faire appeler l'infirmière. Si l'entreprise a un médecin du travail, même s'il n'est pas sur place, faire venir ce médecin ou conduire la personne chez lui. Dans les cas graves, appeler les pompiers... On peut aussi reconduire la personne à son domicile, prévenir sa famille...
Mais en fait le gros du travail c'est la prévention et ça c'est le boulot du médecin du travail, qui est en général bien trop débordé et démuni pour s'en occuper.
Le vrai problème n'est pas l'alcoolisme occasionnel, c'est la vraie maladie alcoolique, dans laquelle le malade est à la fois soutenu et caché par ses collègues, mais rejeté et mis à l'écart en même temps.
L'autre problème c'est l'alcoolisme des chefs... Un ouvrier, un employé qui picole, c'est limite normal (même la loi a l'air de le dire alors...). Mais l'alcoolisme en haut de la hiérarchie, c'est TABOU. Allez empêcher votre chef de prender sa voiture parce qu'il est rond comme une queue de pelle... Qui s'y risque ? Et pourtant...
Encore un problème : comment gérer hiérarchiquement les collègues de l'alcoolique qui ne veulent plus bosser avec lui ou elle (Oui les femmes aussi boivent) : il/elle pue, elle dit n'importe quoi, il fait n'importe quoi, elle est agressive, il nous fait peur... Qu'est ce qu'on peut faire ????
Les personnes qui souffrent d'alcoolisme chronique doivent être signalées au médecin du travail, c'est son boulot. Mais il a bien peu de moyens si le malade ne veut pas se soigner...
Il existe aussi au sein des entreprises des personnes qui ont créé un groupe pour aider les personnes alcooliques. Ils sont en général constitués d'anciens alcooliques, de personnes connaissant le problème de l'alcool ou intéressées par cette maladie.
Devinez dans le bureau de qui vous tombez si vous demandez ce genre d'aide à mon boulot ? Eh oui... Le mien... Avec zom, un autre collègue ancien alcoolique et une collègue qui a perdu son papa et 2 frères de la maladie alcoolique, on essaie de faire qqchose... Mais on n'est pas aidés, tellement la maladie alcoolique est mal perçue, à la fois comme banale ou comme honteuse... On a quelques succès... rares... Des échecs, mais essentiellement par refus de venir nous voir par honte, par peur qu'on "répète" à la DRH ou aux responsables ce qu'on aura entendu...
Pour les titulaires on arrive à se bagarrer (si zom a encore son boulot ce n'est pas par hasard, encore que le groupe n'existait pas à l'époque. S'il n'avait pas été titulaire, il n'aurait plus de boulot). Mais pour ceux qui sont sous contrat, le contrat n'est pas renouvelé, ou alors pour 6 mois avec obligation de se soigner... Echec garanti... :(
En fait on a peu de moyens et on est tous démunis face à l'alcoolisme au boulot, et ça durera tant que tout le monde prendra les "alcoolos" pour des gugusses sans volonté au lieu de raisonner en terme de maladie, tant que les médecins du travail ne feront pas leur boulot à ce niveau (c'est à dire quand on les aura formés, parce que là ils sont comme tout le monde, très démunis).
On peut aussi demander à des associations de venir faire des campagne de prévention. AA (Alcooliques Anonymes) le fait. Vie Libre aussi. Pour ma part je préfère Vie Libre, je les trouve moins "extrémistes", plus proches des gens, moins moralisateurs. Mais c'est à chacun de voir, AA aide des milliers de gens tous les jours, à chacun de choisir l'approche la meilleure pour lui.
Ce qui compte c'est de briser le silence. De reconnaître la maladie. De montrer aux malades qu'il ne sont pas seuls, qu'on peut s'en sortir. Mais on ne fera jamais que 5% du chemin, ils devront trouver la force de faire les 95% restants... Et c'est dur...
Pardon d'avoir été longue mais c'est un sujet qui me touche de trop près pour que je me contente de 3 lignes... ;)
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