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Sur mes 24 ans de vie, je compte 8 ans de TCA

35 ans Région Parisienne 3
Bonjour à tous et à toutes,

Je m'appelle Sophie, j'ai 24 ans, je suis élève ingénieure en biologie. Je suis plutôt intelligente, plutôt jolie (du moins, j'y crois un peu), tout  
le monde m'apprécie très facilement, un bel avenir et une bonne carrière. Une famille foireuse en tous points, et pas vraiment de vrais amis.

Et depuis 8 ans, ma vie est régulée par des angoisses monstres dont une des soupapes de dépressurisation sont les TCA...

J'ai commencé au lycée, à voler de la nourriture supplémentaire à la cantine pour pouvoir en disposer le soir, ou après le repas, même si je n'avais plus faim (3 ou 4 petits pains que je ramassais sur les plateaux vides des autres élèves). J'ai commencé par la boulimie sans vomissement, qui s'est intensifiée et intensifiée... me permettant de déconnecter du monde et de me réconforter lorsque je mâchais, goutais, dégustais...

Puis je suis passée par la case vomissements.
Mon seul but était alors de me remplir frénétiquement pour tout re-vomir... je n'avais pas fini de mastiquer que j'allais déjà vomir. Une sorte de rituel ponctué de gorgées d'eau pour tout re-cracher.
J'avais une poubelle en plastique dans ma chambre, et j'y vomissais en cachette, en silence avant de la vider aux toilettes et de la nettoyer/astiquer.

Une fois la crise finie, le temps de reprendre des forces et de retrouver mes muscles, je pouvais repartir en crise 40 minutes après une première.
C'était tous les jours comme ça, entre 3 et 5 fois par jour pendant plus de 3 ans...
ça a modulé toute ma vie scolaire et sociale. Scolairement, je n'allais plus à l'école au moins 1 jour par semaine que je consacrais à ces TCA. Socialement, Je me suis écartée des gens, sans jamais réussir à me laisser réellement approchée depuis. J'ai menti pour masquer tout cela. Beaucoup menti. Inventé des histoires plus tragiques les unes que les autres pour que les autres puissent imaginer combien je souffrais sans leur avouer réellement la raison. Les épisodes de crises était très violents. Accompagnés parfois de coups que je me flanquais au visage lorsque je voyais ma tête gonflée par le vomissement, les yeux mouillés, la morve au nez.
pour me punir, je m'arrêtais de manger radicalement plusieurs jours.
puis je recommençais.
Cette spirale ne m'a pas quittée pendant 8 ans.
J'ai grossi, j'ai maigri. Je n'ai fais que cela. un yoyo perpétuel de + ou - 25kg (entre 87kg et 62kg) (1m70).
Mon visage a gonflé. mes gencives sont tombées. mes mains étaient régulièrement en sang au niveau des os.
Et c'est ainsi qu'à peine jeune adulte, et je me suis enfoncée dans une profonde détresse...
Seule. Sans que personne ne s'en aperçoive.
(ma mère est sourde, elle n'entendait pas les vomissements et les pleurs dans ma chambre).

Puis, un jour,
j'ai quitté mon ex, amour de passion, avec qui j'avais grandi, et ainsi, j'ai quitté mes TCA et leur passé.
J'ai retrouvé quelqu'un "amour de raison" qui grâce à son extrême stabilité émotionnelle et sentimentale, m'a permis, Du jour au lendemain presque, de stopper ces troubles. Comme une tableau à nouveau vierge sur lequel on pouvait écrire de nouvelles choses, une nouvelle vie.

Néanmoins, à chaque coup de stress, j'ai des relances de TCA. Aux partiels notamment, pendant 3 semaines, je retombe dans de telles crises. à chaque fois (ou presque) que je mange un aliment "interdit" (gras, sucré, féculent), il doit être rejeté. c'est carrément physique, même plus besoin de mettre les doigts au fond de la gorge.

Pour éviter de retomber dans cet enfer des TCA quotidiens, Ma technique a été de me nourrir que d'aliments "non interdits" (légumes, viandes, fruits), esquivant via des mensonges le fait que je ne mange pas telle ou telle chose. Puis cette nouvelle "règle" alimentaire s'est durcie. Depuis cet été (cela fait donc bientôt 6 mois) que je mange un même aliment "sécurité" à savoir de la soupe en poudre.
Tous les jours depuis 6 mois.
...
si je ne la prends pas, je ne me sens pas en sécurité. je n'arrive pas à m'aventurer à autre chose. (alors que j'y arrivais avant).
Ce qui m'a fait me faire vomir à chaque fois que j'ai tenté autre chose, même au repas de noël en famille, au mariage de mon père ou sortie au restaurant...

On imagine bien que la soupe est vraiment mauvaise : tant par l'absence totale de minéraux, de vitamines, d'acides aminés ou acides gras essentiels que par la sur-présence de sel qui fait battre mon cœur beaucoup plus vite depuis 6 mois.


J'ai entamé une psychothérapie il y a 3 semaines, mais il me faudrait un traitement de choc plutôt qu'une séance de 45min hebdomadaire. (même si c'est déjà bien)

Aujourd'hui, je suis tellement coincée que je ne peux pas fêter mon réveillon de jour de l'an chez des amis. Je viens de tout annuler. Par peur des autres, de la nourriture étrangère, et de moi même.
J'ai 24 ans et je vais le passer seule avec mon chat, et ma soupe car je ne sais rien faire d'autre.
:(

Ma vie : sociale, professionnelle, et sentimentale est entièrement conditionnée par ces troubles. J'étouffe de moi même. Je fume tous les jours du cannabis pour zapper tout ça, et je sais que je ne vais pas y trouver la solution. Mais c'est une autre "soupape de dépressurisation".

Ce soir, ça ne va pas. Je ne sais plus quoi faire. Je me fais vraiment pitié.
Je cherche quelqu'un qui pourrait m'accompagner.

s'il vous plait, aidez-moi.

Sophie.
51 ans 35 10308
J'ai lu ton message, je suis très touchée par ta détresse, même si je ne suis pas sûre de pouvoir t'apporter d'aide très concrète car je n'ai pas vécu ce que tu as vécu, mais j'espère que tu pourras avoir d'autres témoignages pour te soutenir.

En tout cas je pense que tu as fait le pas le plus difficile mais j'espère le plus utile : aller voir un psy pour ne plus rester seule avec ta détresse. C'est courageux de ta part, et c'est je pense la démarche que j'aurais pu te conseiller. Il faut que tu arrives maintenant à te donner le temps pour que cette démarche porte ses fruits. Tu dis que tu as vécu 8 ans de TCA, tu ne vas pas résoudre ça en 8 jours, mais encore une fois tu as fait le pas le plus difficile. Il est possible que tu aies l'impression, après quelques séances, que tu n'avances pas comme tu le souhaites avec ton thérapeute actuel, dans ce cas il ne faut pas s'obstiner et ne pas hésiter à aller voir quelqu'un d'autre avec qui tu peux évoluer (mais peut-être que tu es tombé sur le bon du premier coup, c'est important d'être en confiance). Est-ce que c'est quelqu'un qui s'y connait en matière de TCA? Est-ce que tu peux lui parler du sentiment d'urgence que tu as? Peut-être pourrait-il te conseiller une prise en charge plus sérieuse, si il pense (et si tu penses) que tu en as besoin?

Si tu le peux, je te dirai aussi de ne pas culpabiliser. Ne culpabilise pas de la façon dont tu te nourris, ne culpabilise pas d'avoir annulé ton réveillon, ça ne changera rien à part te rendre encore plus mal. Tu souffres, ça n'est pas de ta faute, tu fais comme tu le peux avec ces troubles que tu ne comprends pas forcément, que tu ne maitrises pas (même si tu crois le faire, tu te rends bien compte qu'il y a un souci, et tu souhaites t'en sortir, c'est une grande décision). Je te souhaite beaucoup de courage.
35 ans Région Parisienne 3
Bonjour Angia,

(et Bonne année à tous et à tous, que cette année vous apporte la sérénité)

Ta réponse m'a fait énormément de bien... j'ai littéralement éclaté en sanglots en lisant tes dernières phrases...
Cela m'a aidée à passer le cap du réveillon massacré par ma faute. Sincèrement, tes mots m'ont presque "sauvée" j'étais vraiment au fond du gouffre ce soir là.

Avec ton regard et tes mots concernant mon expérience, je prends également conscience de la importance des mes troubles et de ce que j'ai du éprouver jusqu'alors.
Malheureusement, Je ne peux pas me permettre de stopper ma vie et mes études pour prendre le temps de me soigner (dans l'idéal, j'aurais aimé une réelle prise en charge car je sens bien que je m'enfonce chaque fois que je réalise que je suis "malade", du coup, je ne sais que faire...

Tu as raison, je ne suis pas bien. Et je ne devrais pas être trop dure avec moi même.
Mais que faire d'autre ?

Je vais peut être faire du sport pour évacuer toutes ces tensions... je songeais à la piscine. Mais régulièrement, soit je tombe dans l'excès de sport (jusqu'à me malmener) soit j'abandonne.

Tout est dans l'excès chez moi, c'est affligeant.


Merci sincèrement pour ton message, et ton attention

sophie
51 ans 35 10308
Je suis contente si mes quelques mots ont pu t'apporter du soutien, je ne voulais pas que ton message reste sans réponses car il exprimait une telle détresse, j'aimerai bien que d'autres que moi te répondent aussi.

Que faire maintenant? Continuer sur ton chemin, je pense. Tu sembles avoir pris conscience de certaines choses sur toi, tu as fait la démarche d'aller voir quelqu'un pour t'aider à avancer, c'est déjà beaucoup. N'hésites vraiment pas à lui parler de ce que tu ressens, de ce sentiment de tout faire dans l'excès, il va t'aider à détricoter ça, à comprendre pourquoi, et que faire. C'est un chemin long mais qui en vaut la peine.

Je suis allée voir ton blog photo, je trouve tes photos magnifiques, très fortes, des portraits qui sont un peu nostalgiques je trouve, parfois même tristes, mais pleins d'émotion. Tu as du talent, de la sensibilité pour regarder les autres (est-ce qu'il y a des autoportraits dedans?). Accroche-toi à ça aussi. Tu es forcément une belle personne pour arriver à sortir des photos comme ça.

Encore une fois courage à toi et j'espère que cette nouvelle année sera celle du changement pour toi, vers le positif.
35 ans Région Parisienne 3
Merci, je pense donner des nouvelles ici régulièrement afin que mon histoire puisse servir au moins... Si quelqu'un s'y retrouve.

Si jamais quelqu'un souhaite partager également son histoire, ses conseils, son témoignage, je suis toute ouïe.


Plus apaisée ce soir, première fois de la semaine que mes angoisses ne débouchent pas sur de la compulsion.

J'essaie vraiment de changer, d'être celle que je suis en dessous de tous mes troubles (mais en même temps, changer, ça fait peur). Cela peut paraître dérisoire mais :

-Je vais chez le coiffeur pour la première fois de ma vie, je veux changer de tête intégralement : couleur, mèches, coupe, TOUT.
-je vais me (re)mettre à la natation, pour sa douceur, la sérénité et le plaisir de prendre soin de soi en y aller spontanément.
-Essayer de prendre conscience de ce que je ressens, de ce que je fais et ce qu'il se passe dans ma tête et mon corps quand je sens l'angoisse monter ou pendant une crise. Le but étant de quitter cette frénésie/transe dans laquelle je suis dans ces moments là et qui embarque tout avec elle...

Marrant que tu me dises cela, je viens justement de faire pour la première fois, deux autoportraits.
J'essaie de m'accepter, mais ce n'est vraiment pas facile...
Et merci pour les compliments, cela me touche, c'est vraiment un réel exutoire la photo, malheureusement, je n'en fais que très (trop) peu. La photographie est le domaine où je peux tout maitriser et exprimer. elle me soulage et me construit.


Merci beaucoup
B I U