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Ça me transforme de ne plus espérer devenir une autre.

37 ans 1547
Bonjour !

J'ai besoin de partager avec vous une expérience très ordinaire mais très nouvelle, inhabituelle, pour moi.
Hier, c'était un avant-goût de vacances. Avec une amie, nous avions prévu d'aller à  
un marché, dans une jolie commune qui se situe au bord de l'eau. Le cadre donnait encore plus de relief aux plaisirs sensoriels du marché !

Mais depuis quelques jours, les chaleurs ont grimpé en flèche, et avec ça, mon malaise vestimentaire et mon angoisse pour les semaines suivantes: comment vais-je supporter de telles chaleurs, comment vais-je m'habiller ?

Je n'avais qu'une envie, foncer faire les soldes mais devant être très très attentive à mon budget, les habits, j'en ai déjà, et ce n'est pas la priorité d'en racheter avec tous ceux que j'ai à vendre avant.
Et puis je pourrais trouver mille jolies tenues, ça ne changerait rien au problème: je ne découvre quasiment jamais mon corps quand je m'habille.

J'ai essayé de me préparer à l'été, il y a quelques mois, en achetant un pantacourt, que je ne portais pas, mais il était là, accessible.

Commençaient donc des petites expériences isolées, sans que ça change encore mon quotidien, mais c'était comme on se préparer à un changement en souterrain et hop, un jour, ça apparaît.

J'en viens donc à cette expérience hier.
J'ai osé.
Je suis sortie bras nus.
Quelle nouveauté pour moi !

Je vous l'annonce comme un événement important. J'imagine que ça puisse paraître insignifiant. Mais important, ça l'a été pour moi.

Et ce qui a été formidable, c'est que justement, ça ne l'a été QUE pour moi.
Ca ne faisait l'objet d'attention de personne d'autre que moi, et encore, même pour moi, c'était quelque chose qui passait à côté du reste finalement.

Au début ça m'a fait quelques émotions, quand je suis sortie de mon appartement. Chez moi, seule, je suis souvent dénudée. Mais dehors ou avec quelqu'un, c'est une autre histoire. J'en revenais pas, j'avais envie de pousser des petits cris, de galoper et de me trémousser. Un moment d'excitation mêlée à la peur et à la surprise. Le frisson de la nouveauté. Et puis après, c'était anecdotique.

C'était chouette! J'ai eu très chaud, mais c'était plus confortable habillée ainsi, et ça m'a permis de vivre avec grand plaisir cette sortie estivale. Je me sentais en vacances !

Sentir le soleil chauffer ma peau, l'air la caresser, ça m'a fait un bien fou. C'était tellement doux. Tellement doux.

Ça m'émeut de vous décrire ces sensations car c'est comme si je les découvrais pour la première fois.

Je me dis que d'autres peuvent connaître ça, vivre dans un corps jamais touché, jamais exposé, jamais l'objet de la douceur d'un autre ou d'une source extérieure de sensation agréable (eau, soleil, vent, ou d'autres choses).

J'essaie de vivre d'autres choses avec ce corps là, tel qu'il est maintenant.

J'ai du plaisir à m'en détacher juste assez pour vivre des expériences qui malgré leur caractère ordinaire, sont des mini-révolutions pour moi et sont extrêmement gratifiantes.

Je me dis, ça commence par des petites touches, mais je vois que depuis un certain temps maintenant, les petites touches en appellent toujours d'autres, ça rebondit en moi et ça se déploie vers l'extérieur, ça me surprend beaucoup, ça me touche d'une façon intense tant ça bouscule les représentations ancrées de moi-même (vous savez, ces phrases qui ferment tout (mais surtout soi) et qu'on se dit à propos de soi comme: moi, la piscine, c'est même pas la peine ; oh non, pas l'été, je vais devoir rester cachée ; je suis incapable de faire ça, c'est i m p e n s a b l e ,etc). Des phrases qui font mal mais qui construisent un portrait solide.

Je sens mes repères vaciller.

Ça me transforme de ne plus espérer devenir une autre.

Vous avez vécu aussi cela ? Vous sentir aussi fragile et ému(e) de vous surprendre à des expériences positives, gratifiantes, mais tellement étonnantes de votre part (telle que vous vous représentez être) ?

Ça me donne envie de pleurer. Pas de douleur ou de joie, juste d'émotion. C'est comme si une partie de moi, peu familière, bienveillante et compatissante à mon égard, me disait: dis donc Papille, toutes ces années à te priver de cette douceur ?

Je suis émue de ressentir cela à mon égard.

Ce n'est pas parce que je suis grosse que je ne vivais plus tout cela. J'en étais pourtant convaincue.
Après coup, je crois que c'est parce que je n'arrivais pas à faire avec moi, telle quelle, à lâcher prise sur ma souffrance et à tolérer la tristesse en moi. Je restais dans la colère, l'envie, la haine, la honte et la douleur. Contre moi, contre les autres, c'est difficile à différencier au fond.

Aujourd'hui je ressens encore tout ça, je parle au passé mais ça n'a pas disparu, je n'en suis pas sortie, mais je sens que des choses ont changé et que je suis surtout triste. Quand je pense à mon corps, quand je le regarde, quand j'ai des douleurs, je suis triste. Je ressens de la honte à le mouvoir. Mais la tristesse a une très grande part.
Curieusement, je suis triste mais c'est moins rude à vivre, c'est comme un chagrin, une perte qui fait mal mais dont il va s'agir de s'accommoder quoi qu'il en soit, et transformer. Ca crée le besoin de me consoler, ça appelle à ma bienveillance et ça donne envie de vivre autre chose. Je ne suis pas que triste, mais je suis triste, aussi, d'être telle. C'est comme ça.

Peut-être qu'un jour je ne le serais plus.
Je n'en sais rien.
Je ne sais pas si c'est important.

Ce qui a compté c'est que j'ai constaté qu'il était possible d'être surprise, que je ne contrôlais pas tant que ça ce qui me concernait et qu'en même temps je suis plus libre que je ne le pensais.

Ce qui compte pour moi c'est également que ce que je vis comme des "progrès" ne sont pas venus comme ça, d'un coup, même s'ils ont été surprenants. Ça me fait vraiment du bien de voir que toutes les années passées ont aussi participé à cela et que très certainement, les expériences d'aujourd'hui sèment d'autres choses pour demain. Ça me répare un peu. Il y a eu tant de périodes douloureuses où plus rien ne semblait possible.

J'avais envie de vous dire tout cela, de prendre le temps de l'écrire, ça m'a demandé tous ces mots. Je me suis dit que ce serait peut-être ici qu'on pourrait le mieux imaginer ce que j'ai ressenti à travers une petite chose aussi ordinaire que d'être bras nus. L'amie avec qui j'étais mesurait le changement, elle me connaît, une autre de mes proches m'a félicitée et se réjouissait pour moi. Mais j'ai besoin de m'attarder à vous décrire ce que j'ai vécu, car j'ai besoin d'exprimer ce ressenti : à la fois la joie ressentie, l'étonnement et à la fois la fragilité et l'émotion que ça suscite. Que l'on partage ma joie est importante, mais peut-on aussi partager la fragilité que ça crée ? Est-ce que ça fait écho à quelqu'un ?

J'imaginais que faire avec soi, s'accepter, ne pourrait être que plaisant. Je n'en voyais que les bons côtés.
Dans mon expérience, plus je semble tendre vers cela, plus je ressens de la surprise, du plaisir, et plus je suis au contact de la tristesse. Elle était là, ça ne l'a pas créé je pense, mais ça lui a laissé une place. Je suis en train d'abandonner le corps et l'image de moi que j'espérais tant connaître, et j'ai passé tant d'années à le chérir et à me punir pour le contraste d'avec moi qu'il était devenu central. C'est pas rien, de le laisser tomber. C'est comme laisser tomber une part de moi. Et pas la moindre: celle qui promettait monts et merveilles.

Il y avait au moins une petite part en moi qui semblait potentiellement merveilleuse: celle-que-je-voulais-devenir.

Je crois qu'elle s'éteint, que je m'en détache, un peu des deux probablement.

J'en suis émue, fragile, triste, et apaisée.

Et puis ça revient, je lutte, je souffre, j'angoisse, je me ligote, je colère, je désespère. Et puis je m'en détache un peu. Et puis ça revient. Et puis je fais un petit pas vers autre chose, et j'ai l'impression d'avoir semé tout ça pendant longtemps et de profiter maintenant des premières éclosions.

Maintenant, je ne sais plus trop celle que je serai demain, ni ce que je pourrais supporter ou faire. Ça cloue un peu le bec de madame-papille-qui-croit-se-connaître (même si je reste pipelette!), mais ça aide à prendre le temps pour la RA, pour moi, pour construire ma vie. Ça n'est pas le bonheur d'être telle que je suis, je ne suis pas immunisée contre la sévérité de mon regard ou de celui que je prête aux autres; mais ça n'empêche plus autant qu'avant de vivre des expériences vivantes et plaisantes.

Peut-être que je ne deviens capable de ces choses qui me semblent insurmontable qu'après les avoir vécues, expérimentées. Peut-être que je ne l'étais ni avant, ni pendant, d'où mon sentiment de surprise ?

Je ne sais pas si ça peut aider quelqu'un de lire cela, je me dis que ça peut être aussi douloureux, mais l'effet que mes mots ont, ça ne m'appartient pas totalement je crois.

Ici, j'ai été aidée, et j'y ai trouvé un écho encourageant et soutenant à ce que je vis depuis quelques temps. C'est possible de franchir des caps jusque là invraisemblables. C'est ce que j'ai lu dans certains de vos messages ou blogs, alors j'avais moi aussi envie de le dire, et j'avais envie de créer un sujet où on puisse chacun le porter, petite touche par petite touche.

Quels sont ces petits événements, ces mini-révolutions personnelles, qui vous aident, qui vous plaisent, qui vous surprennent de vous-même ?

Racontons ces aventures ordinaires, ça aide à se rappeler que c'est possible.

Et dîtes... merci de m'avoir lue.

C'était encore plus long au départ, alors j'ai raccourci (si si) et mis mon texte intégral sur mon blog si vous avez envie de vous y attarder.

Je vous fais une bise aussi douce que la caresse du soleil sur la peau nue.


;)
33 ans 1489
Merci beaucoup papille pour ce beau texte!

Personnellement, je suis avec mes ami(e)s sur une terrasse, comme souvent, et je réalise que Machine a encore changé de copain, que Machin a des problèmes de drogues, que Machine est entretenue, que Machine fait 170kg, que Machin est un peu trop macho, que Machin deviendra sûrement trader, que la robe de Machine est vulgaire.... On se connait depuis presque 10 ans et on ne s'est jamais jugés, c'est une grande chance, et sur le coup ça me ferait presque pleurer ;)
38 ans Orgrimmar 6511
J'ai tout lu! :lol:
Je suis heureuse que tu aies trouvé au fond de toi le courage (ou autre chose) qui t'a permis de mettre à nu tes bras.
La prochaine étape pour moi, c'est retourner à la piscine en ne pensant pas au regard des autres, mais en m'amusant. On verra si j'y arrive. Verdict dans 2semaines...
37 ans 1547
LadyInGreen et Yuutsu merci !
Ça fait drôlement du bien cette différence chez tout un chacun.
C'est une des choses que la piscine m'a apporté. Un vrai terrain d'observation ! J'ai observé avec plaisir combien tout le monde avait un corps et des agissements différents!
Je me disais: quand même, c'est chouette qu'avec toutes ces différences on puisse quand même être dans le même bain ;)

Yuutsu, le plaisir, c'est vraiment un tremplin. Au début il n'est pas là tout seul, il y a encore notre propre regard qui nous fait souffrir, mais après, il prend l'avantage.
Tiens nous au courant !!
S
89 ans 4951
J aime bien te lire papille.

Je me souviens tres bien de l ete ou j ai decide de denuder mes bras, quelle liberation, la terre ne s est pas effondree en plus.

cette annee,j ai meme achete deux shorts cyclistes. Pr le moment je les mets en balade et le soir pour trainer dans le quartier, mais c est tellement agreable.
41 ans 4079
Merci pour ton texte, il devrait en avoir plus dans ce sens ici... ;)
49 ans région parisienne 5831
Je me souviens avec émotions de la première fois où j'ai acheté des vêtements à ma taille: avant, j'achetais toujours des vêtements où j'étais un peu boudinée, pour le jour où j'aurais maigri. Et puis, un jour, en partie grâce à VLR, j'ai décidé que zut, il me fallait des vêtements à ma vraie taille...

... et la terre a continué de tourner, le monde n'a pas changé pour autant, mais pour la première fois depuis longtems, j'étais à l'aide dans mes habits! D'ailleurs, j'en ai profité pour donner tous mes vieux habits trop petits que je gardais pour "le jour où"...
106 ans Lugdunum 1895
=D> =D> =D>

"Ça me transforme de ne plus espérer devenir une autre".

Qu'il est beau ce titre! et vraiment sujet à méditation.

Comme Ohio, j'aimerai tellement lire de beaux posts comme le tien ici.

Il est le reflet de la philosophie de VLR.
53 ans au feu rouge à droite puis au prochain carrefour à gauche ....... 1367
avancer lentement de son pas d'oiseau au bord des océans de soi-même ....
bravo !!!
35 ans arlon 329
Coucou,
Mais quel beau témoignage...
Je partage avec vous ma découverte, depuis peu j'ai décidé de m'habiller dans les rayons ''grandes tailles''
Exemple: h&m ou paprika ou msmode...
Avant je continuais à vouloir rentrer dans des magasins ''normaux'' et du coup les vêtements n'était pas adaptés.
Depuis que je me permets cela, quel plaisir j'ai repris à faire du shopping, je rentre dans des fringues qui me plaisent et qui me vont ...
Je peux faire les soldes et faire ma ''pretty woman''
J'ADORE!!!
34 ans La Ville Rose 2324
Tout d'abord papille j'aimerais te dire que te lire a été très agréable. J'aime beaucoup ta façon d'écrire, ta verve est fluide, lyrique dans tomber dans l'exagération ... C'est magnifique. Enfin pour moi ...

Je comprends ce que tu as pu ressentir. ça m'est arrivé une fois il y a 4 ans environ. J'étais dans le métro et je me suis rendue compte que je n'avais pas peur. J'angoisse toujours, même si ça ne se voit pas, dès que je mets un pied hors de chez moi. Cette angoisse est décuplée dans le métro ou le bus, car en espace restreint, on a le temps de regarder les autres, donc je suis " plus visible et regardable". Et bien, ce jour-là, pendant quelques secondes, je n'ai plus pensé à tout ça, j'étais juste dans le métro, me rendant quelque part, calmement ...
J'étais bouleversée, pleine d'émotions, de joie, mais bien évidemment, je me suis retenue. J'ai sûrement souris un peu. En tous cas c'était merveilleux. Depuis j'aimerais ressentir ça à nouveau, en vain ...

Concernant le titre il y a encore quelques jours c'était mon credo. Malheureusement en ce moment ce n'est plus ça ... Mais ça devrait revenir.

Je suis contente pour toi et te souhaite de continuer ton parcours d'acceptation sans embûches :)
56 ans Région nîmoise 1567
Bravo !
C'est la seule façon de s'accepter.
43 ans BanLieuSarde 1213
J'ai tout lu :lol:
Et j'aime ta manière d'écrire..

Ton titre m'a parlé.. Oui totalement.
Car un jour j'ai compris que je ne ferais pas 55 kilos.. Parce qu'un jour j'ai compris que j'aurai toujours des kilos supplémentaires.
Et même si cela ne m'a pas guerris de tout, le chiffre sur ma balance n'est plus le plus important. D'ailleurs ma balance est à la poubelle depuis le bypass !

J'ai également sentie ce bonheur, quelques fois..

Acheter un jean chez Jennifer... Les larmes aux yeux de suite.. Se dire que c'est un rêve, que moi aussi je peux le faire...

Jai subi une opération reparatrice des bras. Mes cicatrices font un bon 15cm. Même si mes bras sont "normaux" je vis avec le souvenir de bras qu'il métait impossible de sortir.
Cest encore dur, jai peur que lon voit, que lon me questionne. Mais quel bonheur d'être sortie, ce week end, avec un top bandeau.. La aussi ce n'est pas inimaginable le ressenti..

Mettre des couleurs.. Ha çà aussi c'était pas une mince affaire.. Du noir du noir du noir.. Puis j'ai essayé, un peu de rose, de rouge, du vert..
Maintenant je me sens presque "mieux" en couleur que le contraire.. Bien sur c'est pas gagné.. Mais en cours..

Merci pour ton écrit..
37 ans 1547
Merci beaucoup à toutes.

Ça me fait du bien de partager cela avec vous et que vous partagiez vos expériences, qu'elles soient émergentes, ponctuelles ou pérennes.

Comme je l'ai dit, ce n'est pas que du plaisir pour moi tout cela, mais il est bien là et ça aide vraiment.

Ce que je trouve intéressant dans ce que vous partagez, c'est comment de franchir certains pas aident à remettre les choses à leur place (ou l'inverse?) : avant d'oser c'est comme si on préférait négliger son propre confort/bien-être en mettant l'accent sur ce qu'on imagine que l'autre va penser - comme si l'autre comptait plus, ou plutôt, comme si on pensait qu'on (ou notre tenue ou autre) allait être important pour les autres ; après, on se rend compte que ça ne tient pas la route, les gens, naturellement, s'en fichent pour la plupart et l'accent revient sur soi avec plus de légitimité: on est bien comme cela et ça compte. Pour nous, pas pour les autres.

A​u plaisir de vous lire​
43 ans BanLieuSarde 1213
Moi je me suis toujours habillée en noir dès que j'ai été en age de le faire.
Je voulais passer inaperçue, me cacher du regard des autres.
Puis jai rencontré un homme qui m'a demandé, dessayer de changer.. Qu'une ronde peut etre jolie en couleur.
Au départ ce netait que pour lui et sans sortir. Me sentais mal...
Puis devant mes parents, des amis..
De temps en temps on me disait "Ca te change tellement, on voit tes yeux, çà te donne bonne mine.."
Et j'ai essayé petit à petit.
C'est dur de temps en temps car je deteste que l'on me voit, mais mis à part çà aujourd'hui jai un vernis rose flashy :lol:

J'ai mis longtemps avant d'oser.. Peur d'être vue, peur de voir mon gros corps, peur du regard des autres.. Mais chaque nouvelle commande de fringue, c'est 1 vetement noir et tout le reste en couleur.
Ca en devient.. Un plaisir. Et ce plaisir est pour moi. Pas pour eux.

J'ai gagné d'une certaine manière.
B I U


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