Bonjour !
J'ai besoin de partager avec vous une expérience très ordinaire mais très nouvelle, inhabituelle, pour moi.
Hier, c'était un avant-goût de vacances. Avec une amie, nous avions prévu d'aller à
un marché, dans une jolie commune qui se situe au bord de l'eau. Le cadre donnait encore plus de relief aux plaisirs sensoriels du marché !
Mais depuis quelques jours, les chaleurs ont grimpé en flèche, et avec ça, mon malaise vestimentaire et mon angoisse pour les semaines suivantes: comment vais-je supporter de telles chaleurs, comment vais-je m'habiller ?
Je n'avais qu'une envie, foncer faire les soldes mais devant être très très attentive à mon budget, les habits, j'en ai déjà, et ce n'est pas la priorité d'en racheter avec tous ceux que j'ai à vendre avant.
Et puis je pourrais trouver mille jolies tenues, ça ne changerait rien au problème: je ne découvre quasiment jamais mon corps quand je m'habille.
J'ai essayé de me préparer à l'été, il y a quelques mois, en achetant un pantacourt, que je ne portais pas, mais il était là, accessible.
Commençaient donc des petites expériences isolées, sans que ça change encore mon quotidien, mais c'était comme on se préparer à un changement en souterrain et hop, un jour, ça apparaît.
J'en viens donc à cette expérience hier.
J'ai osé.
Je suis sortie bras nus.
Quelle nouveauté pour moi !
Je vous l'annonce comme un événement important. J'imagine que ça puisse paraître insignifiant. Mais important, ça l'a été pour moi.
Et ce qui a été formidable, c'est que justement, ça ne l'a été QUE pour moi.
Ca ne faisait l'objet d'attention de personne d'autre que moi, et encore, même pour moi, c'était quelque chose qui passait à côté du reste finalement.
Au début ça m'a fait quelques émotions, quand je suis sortie de mon appartement. Chez moi, seule, je suis souvent dénudée. Mais dehors ou avec quelqu'un, c'est une autre histoire. J'en revenais pas, j'avais envie de pousser des petits cris, de galoper et de me trémousser. Un moment d'excitation mêlée à la peur et à la surprise. Le frisson de la nouveauté. Et puis après, c'était anecdotique.
C'était chouette! J'ai eu très chaud, mais c'était plus confortable habillée ainsi, et ça m'a permis de vivre avec grand plaisir cette sortie estivale. Je me sentais en vacances !
Sentir le soleil chauffer ma peau, l'air la caresser, ça m'a fait un bien fou. C'était tellement doux. Tellement doux.
Ça m'émeut de vous décrire ces sensations car c'est comme si je les découvrais pour la première fois.
Je me dis que d'autres peuvent connaître ça, vivre dans un corps jamais touché, jamais exposé, jamais l'objet de la douceur d'un autre ou d'une source extérieure de sensation agréable (eau, soleil, vent, ou d'autres choses).
J'essaie de vivre d'autres choses avec ce corps là, tel qu'il est maintenant.
J'ai du plaisir à m'en détacher juste assez pour vivre des expériences qui malgré leur caractère ordinaire, sont des mini-révolutions pour moi et sont extrêmement gratifiantes.
Je me dis, ça commence par des petites touches, mais je vois que depuis un certain temps maintenant, les petites touches en appellent toujours d'autres, ça rebondit en moi et ça se déploie vers l'extérieur, ça me surprend beaucoup, ça me touche d'une façon intense tant ça bouscule les représentations ancrées de moi-même (vous savez, ces phrases qui ferment tout (mais surtout soi) et qu'on se dit à propos de soi comme: moi, la piscine, c'est même pas la peine ; oh non, pas l'été, je vais devoir rester cachée ; je suis incapable de faire ça, c'est i m p e n s a b l e ,etc). Des phrases qui font mal mais qui construisent un portrait solide.
Je sens mes repères vaciller.
Ça me transforme de ne plus espérer devenir une autre.
Vous avez vécu aussi cela ? Vous sentir aussi fragile et ému(e) de vous surprendre à des expériences positives, gratifiantes, mais tellement étonnantes de votre part (telle que vous vous représentez être) ?
Ça me donne envie de pleurer. Pas de douleur ou de joie, juste d'émotion. C'est comme si une partie de moi, peu familière, bienveillante et compatissante à mon égard, me disait: dis donc Papille, toutes ces années à te priver de cette douceur ?
Je suis émue de ressentir cela à mon égard.
Ce n'est pas parce que je suis grosse que je ne vivais plus tout cela. J'en étais pourtant convaincue.
Après coup, je crois que c'est parce que je n'arrivais pas à faire avec moi, telle quelle, à lâcher prise sur ma souffrance et à tolérer la tristesse en moi. Je restais dans la colère, l'envie, la haine, la honte et la douleur. Contre moi, contre les autres, c'est difficile à différencier au fond.
Aujourd'hui je ressens encore tout ça, je parle au passé mais ça n'a pas disparu, je n'en suis pas sortie, mais je sens que des choses ont changé et que je suis surtout triste. Quand je pense à mon corps, quand je le regarde, quand j'ai des douleurs, je suis triste. Je ressens de la honte à le mouvoir. Mais la tristesse a une très grande part.
Curieusement, je suis triste mais c'est moins rude à vivre, c'est comme un chagrin, une perte qui fait mal mais dont il va s'agir de s'accommoder quoi qu'il en soit, et transformer. Ca crée le besoin de me consoler, ça appelle à ma bienveillance et ça donne envie de vivre autre chose. Je ne suis pas que triste, mais je suis triste, aussi, d'être telle. C'est comme ça.
Peut-être qu'un jour je ne le serais plus.
Je n'en sais rien.
Je ne sais pas si c'est important.
Ce qui a compté c'est que j'ai constaté qu'il était possible d'être surprise, que je ne contrôlais pas tant que ça ce qui me concernait et qu'en même temps je suis plus libre que je ne le pensais.
Ce qui compte pour moi c'est également que ce que je vis comme des "progrès" ne sont pas venus comme ça, d'un coup, même s'ils ont été surprenants. Ça me fait vraiment du bien de voir que toutes les années passées ont aussi participé à cela et que très certainement, les expériences d'aujourd'hui sèment d'autres choses pour demain. Ça me répare un peu. Il y a eu tant de périodes douloureuses où plus rien ne semblait possible.
J'avais envie de vous dire tout cela, de prendre le temps de l'écrire, ça m'a demandé tous ces mots. Je me suis dit que ce serait peut-être ici qu'on pourrait le mieux imaginer ce que j'ai ressenti à travers une petite chose aussi ordinaire que d'être bras nus. L'amie avec qui j'étais mesurait le changement, elle me connaît, une autre de mes proches m'a félicitée et se réjouissait pour moi. Mais j'ai besoin de m'attarder à vous décrire ce que j'ai vécu, car j'ai besoin d'exprimer ce ressenti : à la fois la joie ressentie, l'étonnement et à la fois la fragilité et l'émotion que ça suscite. Que l'on partage ma joie est importante, mais peut-on aussi partager la fragilité que ça crée ? Est-ce que ça fait écho à quelqu'un ?
J'imaginais que faire avec soi, s'accepter, ne pourrait être que plaisant. Je n'en voyais que les bons côtés.
Dans mon expérience, plus je semble tendre vers cela, plus je ressens de la surprise, du plaisir, et plus je suis au contact de la tristesse. Elle était là, ça ne l'a pas créé je pense, mais ça lui a laissé une place. Je suis en train d'abandonner le corps et l'image de moi que j'espérais tant connaître, et j'ai passé tant d'années à le chérir et à me punir pour le contraste d'avec moi qu'il était devenu central. C'est pas rien, de le laisser tomber. C'est comme laisser tomber une part de moi. Et pas la moindre: celle qui promettait monts et merveilles.
Il y avait au moins une petite part en moi qui semblait potentiellement merveilleuse: celle-que-je-voulais-devenir.
Je crois qu'elle s'éteint, que je m'en détache, un peu des deux probablement.
J'en suis émue, fragile, triste, et apaisée.
Et puis ça revient, je lutte, je souffre, j'angoisse, je me ligote, je colère, je désespère. Et puis je m'en détache un peu. Et puis ça revient. Et puis je fais un petit pas vers autre chose, et j'ai l'impression d'avoir semé tout ça pendant longtemps et de profiter maintenant des premières éclosions.
Maintenant, je ne sais plus trop celle que je serai demain, ni ce que je pourrais supporter ou faire. Ça cloue un peu le bec de madame-papille-qui-croit-se-connaître (même si je reste pipelette!), mais ça aide à prendre le temps pour la RA, pour moi, pour construire ma vie. Ça n'est pas le bonheur d'être telle que je suis, je ne suis pas immunisée contre la sévérité de mon regard ou de celui que je prête aux autres; mais ça n'empêche plus autant qu'avant de vivre des expériences vivantes et plaisantes.
Peut-être que je ne deviens capable de ces choses qui me semblent insurmontable qu'après les avoir vécues, expérimentées. Peut-être que je ne l'étais ni avant, ni pendant, d'où mon sentiment de surprise ?
Je ne sais pas si ça peut aider quelqu'un de lire cela, je me dis que ça peut être aussi douloureux, mais l'effet que mes mots ont, ça ne m'appartient pas totalement je crois.
Ici, j'ai été aidée, et j'y ai trouvé un écho encourageant et soutenant à ce que je vis depuis quelques temps. C'est possible de franchir des caps jusque là invraisemblables. C'est ce que j'ai lu dans certains de vos messages ou blogs, alors j'avais moi aussi envie de le dire, et j'avais envie de créer un sujet où on puisse chacun le porter, petite touche par petite touche.
Quels sont ces petits événements, ces mini-révolutions personnelles, qui vous aident, qui vous plaisent, qui vous surprennent de vous-même ?
Racontons ces aventures ordinaires, ça aide à se rappeler que c'est possible.
Et dîtes... merci de m'avoir lue.
C'était encore plus long au départ, alors j'ai raccourci (si si) et mis mon texte intégral sur mon blog si vous avez envie de vous y attarder.
Je vous fais une bise aussi douce que la caresse du soleil sur la peau nue.
;)