Sirelle, ton récit est plein de vie. Ca me donne super envie de manger des frites en plein air et de découvrir le disco-dans-l'eau :D
Mamykro: plaisir grandement partagé ! ;)
Chantillyfraise: tout à fait, j'ai commencé à vivre quand j'ai arrêté d'attendre d'être mieux que moi pour faire ce dont j'avais tant envie.
Cela dit chaque pas de fait assouplit mon fonctionnement mais ne le rend pour autant inopérant. Je continue d'avoir peur de certaines choses, de ne pas oser. Mon message dans ce sujet reste à peu près valable dans les grandes lignes par exemple
http://www.vivelesrondes.com/forum/viewtopic_392941.htm
Ce qui change, c'est que je dépasse mes auto-interdits plus facilement et que toutes ces expériences réunissent créent une dynamique de confiance où je sais que c'est possible que ça change même si aujourd'hui pour telle chose ça ne l'est pas encore.
Aphasie: pour moi c'est une différence que je perçois dans plein de petites choses et qui m'interroge sur la façon dont je peux tantôt être "en moi" et d'autres fois pas du tout.
Si je me sens belle ou que j'ai envie de l'être, par exemple, quand je regarde d'autres gens, je le fais en fonction de moi, me trouvent-ils belle, comment sont-ils par rapport à moi, etc. Parce qu'à ce moment là, c'est ça qui compte pour moi.
Si je me sens bien, quand je regarde les gens, je les regarde eux, c'est comme si j'étais enfin disponible à autre chose qu'à moi. Comme si j'étais à ma juste place, d'ailleurs c'était agréable de me sentir à ma place (parmi les autres, pas différente d'eux). Ce sentiment de solidité et d'existence, c'était très fort et pas que mental mais aussi corporel, je le sentais dans mon tonus. "Je" s'arrêtait à moi, je ne cherchais pas à me trouver dans le regard des autres puisque j'étais là et je profitais du moment.
J'imagine que pour ceux qui "se sentent beau et donc se sentent bien", on arrive à passer d'un état en l'autre-en-fonction-de-soi à un état à-partir-de-soi-vers-l'autre, que les deux ressentis me semblent pouvoir varier dans un même moment. (Bon c'est sûrement trop schématisé pour être valable.)
Pour avoir eu autant de peine avec mon corps et mon image, c'est bien que j'ai tendance à être très sensible à cette question du regard-de-l'autre-par-rapport-à-moi, d'où je pense l'intensité du contraste pour moi quand je me sens dégagée de ce poids là.
C'est doux à vivre.
Je me dis après coup que si à un moment on peut me trouver belle, ça doit sûrement être quand je me sens bien tellement je me sens capable de donner tout le bon que je suis en train de sentir/recevoir (j'ai par exemple souvent l'impression d'avoir de la chance, comme si je recevais un cadeau, quand je vis un super moment.).
Alors qu'en fait, si ça se trouve on me trouve belle aussi quand je ne suis pas super bien. Je n'en sais rien, et en fait, c'est ça qui au fond me
soulage beaucoup: ça ne dépend pas de moi.
J'ai fait cette expérience un jour qu'un homme a eu un coup de coeur en me voyant alors que j'étais dans une situation où tout me semblait carrément opposé à une posture susceptible de plaire. Ça m'a fait un sacré choc: en fait, ça ne dépend pas de moi ? Ça peut arriver comme ça, n'importe quand, n'importe où, même quand je ne l'ai pas "voulu" ? Mais... mais... ça fait un peu peur quand même, non ?
Cela dit, ça explique tout ! Quand je pense à toutes ces fois où j'essayais de me mettre en valeur dans l'espoir enfin de plaire à quelqu'un et où je revenais triste car ça n'avait pas marché... en fait, ça ne m'appartenait pas. C'était comme une pensée magique: si je fais ça, alors ça fera ça. Ben zut alors, pourtant j'ai fait tout ce que je pouvais! Alors je m'attaque à ce que je n'arrive pas à modifier: mon corps, ma personnalité, tout ce qui fait que je suis profondément moi. Ça doit être ça qui cloche!
Le hic, c'est que dans cette pensée magique là, toute notre culture nous entraîne à chercher plus loin plutôt qu'à percevoir l’incongruence de la cause à effet : si ce n'est pas taper trois fois dans mes mains, c'est peut-être taper trois fois dans mes mains et prononcer cette formule magique ? Alors je vais pas pouvoir me contenter de maquiller avec soin, je vais aussi porter cette tenue, puis des talons, puis je vais aussi apprendre à mieux m'épiler, puis je vais brunir ton teint, puis je vais faire du sport pour mes fesses, puis je vais faire des choses pour dégoter "la confiance en moi", puis je...
Si on part du postulat qu'être beau dépend de nous et de choses concrètes, alors je crois que ça peut être un drame quotidien et une quête sans fin. Tout dépend l'importance que cela a ensuite pour chacun.
C'est quoi la beauté ? C'est une fesse ferme et rebondie ou le ressenti de quelqu'un sur cette fesse ronde ? Confondrais-je le ressenti avec son objet ?
(Aurais-je besoin de contrôler ce qui revient à l'autre en l'assimilant à une partie de moi ?)
Et c'est très facile d'orienter un ressenti favorable ou défavorable à l'égard d'un stimulus. Il suffit d'en augmenter la fréquence d'exposition.
On retombe sur le fait que de montrer des corps toujours les mêmes avec certaines caractéristiques viennent nous faire croire que c'est ça qui nous plaît, et que si l'on veut susciter cela, pour les raisons qui nous appartiennent de trouver cela important, on va essayer de coller au stimulus investi.
Cela dit, la culture ne s'est pas contentée de faire oeuvre de propagande sur les corps à valoriser, elle opère également pour associer d'autres corps à une dévalorisation active. Le reste, ce sont des in-montrés, qui vont avoir tendance à nous déranger/étonner quand on les voit au quotidien, sans qu'on prête pour autant beaucoup de caractéristiques personnelles aux gens. Je me rends compte aujourd'hui que lorsque mes proches me disent que je ne leur ai jamais paru vraiment "obèse obèse" c'est parce que justement, pour eux, l'obèse obèse était celui qui n'était plus investi d'énergie, l'image du "sans volonté dans son canapé", du "malade", alors que je suis quelqu'un de relativement enthousiaste et vivant quand je suis en lien aux autres.
C'est cruel d'être valorisé par défaut d'un stéréotype violent sur une catégorie de personne et de ne même plus s'en rendre compte.
Et c'est un peu cruel pour moi, malgré tout, de connaître un soulagement à m'habiller juste normalement, parce que ça a supposé de vivre tout ce qui rend ça "nouveau" et que c'était vraiment douloureux.
Cela dit, je préfère largement me demander après-coup pourquoi j'ai autant mis d'importance à mon image et au regard des autres et eu autant besoin d'imaginer un contrôle là dessus en ayant les gambettes à l'air :D