Ayéééé, j'ai tout recopié ^^
Source : Elle - Septembre 2011
Désolée, c'est un peu long :oops:
Au début d’une histoire, on pense qu’on aimera toujours autant l’autre, et puis, un jour, un détail, un doute … et on s’image que tout est fini. Et si la fluctuation des sentiments était inévitable ? Enquête et témoignages.
A 20 ans, on ne voyait pas l’amour comme ça : inconstant. La faute aux contes de fées de notre enfance (« Ils vécurent heureux … »), qui mentent par omission ? Peut-être. Car c’est le genre de vérité qui ne se raconte pas mais se découvre par soi-même : on peut aimer quelqu’un pendant des années, sans l’aimer tout le temps ni à chaque instant. On rencontre un homme, on tombe amoureuse, on le pare de mille attraits, alors, on le choisit. Seulement, tôt ou tard, quelque chose nous fait douter, ouvrant une brèche angoissante. C’est la première expérience du désamour passager. Pas seulement parce qu’il n’a pas refermé le tube de dentifrice ou oublié de mettre son linge sale dans le bon panier, alors qu’on lui en a fait la remarque cinquante fois. Mais parce que, soudain, une des qualités de cet homme, qu’on croyait aimer les yeux fermés, se transforme en défaut, un aspect de sa personnalité devient rédhibitoire. Cette belle force tranquille qu’on appelait « sérénité », ne serait-ce pas plutôt du je-m’en-foutisme ? Et cette endurance au travail, un « workaholisme » déguisé ? Du coup, d’autres questions surviennent : est-elle normale, cette aversion soudaine pour ce que j’aimais ? Me serais-je trompée ? Et si c’était le premier signe que je ne l’aime plus vraiment ?
Psychologue clinicienne exerçant depuis trente ans et spécialiste des difficultés des relations amoureuses, Rose-Marie Charest est formelle : désaimer quelque temps son conjoint est normal, fluctuations et variations étant des phénomènes inhérents au concept de sentiment. « La complexité du sentiment amoureux, c’est qu’il possède plusieurs composantes paradoxales : la passion, l’intimité, l’attachement et la volonté. La passion ne dure pas longtemps. Elle se nourrit d’imaginaire et de ce qui est inconnu, comme le désir se nourrit du manque. Après ces premières années de passion et de désir, dans tous les couples, c’est l’intimité qui prend le relais, puis l’attachement, l’attachement étant proportionnel à la somme des événements vécus ensemble », précise Rose-Marie Charest. La difficulté, c’est que cette régularité de l’intimité, qui crée le lien solide d’un couple, met à mal et tue provisoirement ce qui avait favorisé l’élan originel ! Certains couples n’y résistent pas. Pour les autres, le « passage » se fait de manière plus ou moins sereine … Léa, 31 ans, se souvient : « C’est en m’installant avec Julien que j’ai éprouvé la certitude de l’aimer, doublée du sentiment vif que oui, mais pas tout le temps ! Lorsque je le retrouvais avachi sur le canapé, plongé dans ses BD, je l’aurais volontiers trucidé ! Je crois qu’il ne faut jamais oublier pourquoi on aime quelqu’un et se le réciter comme un mantra … Sinon, franchement, je mets au défi quiconque d’aimer 24 heures sur 24 ! ».Même expérience pour Sophie, 36 ans, mariée depuis huit ans : « Je ne supporte pas quand Thomas va mal, parce qu’il devient mollasson. L’envie est brutale de le secouer et, au début de notre mariage, c’est ce que je faisais, je l’agressais. Maintenant, j’ai une autre tactique. Soit je fiche le camp de l’appartement, soit je me plonge dans un bouquin. Je me renferme sur moi-même, comme dans une bulle. Pour autant, je n’ai jamais eu envie de quitter Thomas. Je sais que je l’aime, même quand je n’ai pas le sentiment de l’aimer ! Je sais aussi qu’il est plus facile de détruire que de construire … ».
Voilà bien le genre d’histoire que les jeunes amoureux ne veulent pas entendre, car il faut de la volonté pour aimer dans la durée. Rosalie, 54 ans, se dit « en état de veille » permanent, à la fois tournée vers l’avenir et vers le souvenir sensible et vivace du sentiment d’origine. Sagesse et maturité que la jeunesse ignore forcément. Au cours de sa consultation, Rose-Marie Charest le constate : « A 20 ans ou au début d’une relation, on est dans l’idéalisation. On ne voit pas les défauts de l’autre, ou on décrète que ce ne sont pas des défauts ! On pense que le sentiment d’amour va vivre et faire vivre la relation à lui tout seul. C’est un leurre. L’erreur la commune, c’est de vouloir garder et retrouver toujours la même émotion pour l’autre. » Pour autant, rien n’est inscrit fans le marbre. Une période sans éprouver l’amour ne signifie pas qu’il n’y a plus d’amour. Pour revenir au stade de la passion et du désir, on peut s’éloigner quelque temps, réellement ou dans sa tête, comme Sophie. On peut aussi entrer en conflit car, d’après notre psychologue, un des facteurs qui éteint le désir est la colère non exprimée. Réveiller ses sentiments pour l’autre en commençait par le sentiment colérique, c’est la technique de plus d’une d’entre nous. Barbara, 38 ans, se souvient : « Après sept années vécues avec Ludovic, il y a des tas de choses que j’aimais chez lui mais que je n’aime plus, et inversement, sans que cela remette en cause le choix initial. L’amour est une matière vivante. Pour moi, la colère, la joie, l’agacement sont des moyens pour l’alimenter. Les excès, les moments de « haine » font que la relation ne se dessèche pas : l’amour se nourrit aussi du désamour. Est-ce que j’aurais envie de rester avec quelqu’un qui ne me ferait jamais réagir ni ne m’agacerait ? Non. Est-ce que j’ai envie d’être contente de mon mari ? Non. J’ai envie d’être contente de ma femme de ménage, ça oui. L’amour, c’est autre chose qu’un service ; Plusieurs fois par an, après quinze jours où je ne peux plus l’encadrer, je provoque une engueulade pour vérifier les sentiments que j’ai pour lui et ceux qu’il a pour moi. »
N’empêche, « désaimer », que ce soit pour deux jours ou deux semaines, est souvent source d’inquiétude, de doute et de tristesse. La première chose à faire est donc de se dire que tous les amoureux en sont passés par là. Si ce n’est pas une consolation, cela rassure. Ensuite, il faut se poser les bonnes questions. Y’a-t-il quelque chose que je n’ose pas exprimer ? Est-ce que c’est pas moi que je n’aime pas ? « Croyez-vous que les personnes qui vivent seules se lèvent toujours de bonne humeur et sont prêtes à manger la vie à pleines dents ? C’est ce que je demande à mes patientes lorsqu’elles arrivent dans mon cabinet en exprimant une lassitude générale qu’elles mettent sur le compte de leur couple, raconte Rose-Marie Charest. Les célibataires aussi ont leurs passages à vide ! Il y a des périodes où l’on ne se sent pas capable d’aimer, parce qu’on ne s’aime pas soi-même. Il faut alors s’interroger : « Est-ce avec lui ou avec moi que j’ai du mal ? » On se lève un matin et on se trouve moins jeune, moins belle. Alors, le garçon à côté de nous, comme par hasard, on ne le trouve plus aussi aimable et désirable. Dès le réveil, quelque chose en lui s’avère insupportable : par exemple boire son thé suivi d’un café en faisant semble d’écouter France Inter (pour Anne, 35 ans, en couple depuis cinq ans). Du coup, on remet tout en question et on évalue son histoire d’amour comme une marchandise, ou presque. Sybille, 32 ans, a failli en faire les frais. « L’année dernière, j’ai été maltraité au bureau. Résultat : je me suis mise à trouver l’ensemble de ma vie minable. Je ne supportais plus ni l’appartement, ni le chat, ni le fiancé ! Si ma mère ne m’avait pas mise en garde –en me disant de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain-, je crois que j’aurais tout largué, Vincent en premier ! »
Et les maris et les fiancés justement, dans tout ça ? Leur arrive-t-il de douter de leurs sentiments pour nous ? Rarement, d’après notre spécialiste. « C’est assez féminin d’ausculter son couple en permanence. Peu d’hommes viennent consulter en disant « Je me pose des questions ». Contrairement à nous, ils sont prêts à vivre une relation où le sentiment amoureux serait affaibli. Alors que, pour les femmes, le sentiment amoureux est la condition sine qua non. Au risque d’agacer, je rappelle que cette volonté de l’amour intense est infantile. L’amour ne peut être évalué en termes de performances et de bilan de compétences ! Il faut faire confiance à la force du lien et à sa longévité, en le réinscrivant dans le temps … » Autrement dit, une histoire d’amour n’est pas égale à la somme des événements positifs et négatifs vécus ensemble. Un sentiment d’amour ne se résume pas à l’équilibre des défauts et des qualités de l’autre : il faut que ça bouge, que ça évolue. C’est compliqué à vivre, mais passionnant. Quoi qu’en disent les contes de fées.