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Le sexisme ordinaire

J
42 ans Paris 1842
papille a écrit:
Je vous lis avec attention et je me sens presque un peu désolée de dire que je trouve ça très intéressant comme échange car ça vient  
faire écho à des questions que je me pose.
Je ne suis pas forcément de l'avis des unes ou des autres, parce que justement ça continue pas mal de m'interroger.
Merci pour le lien sur le travail ménager au passage que j'irai lire plus tard.

Il y a des points qui m'interpellent:

- une mère va forcément s'occuper de ses enfants, répondre forcément présent. Est-ce à ce point une évidence ? Pas forcément. Ce n'est pas une évidence, et si c'est un "choix" majoritaire, ne pas nuancer cela me paraît un peu violent. Les femmes délaissant leurs enfants pour leur carrière, leurs amours ou simplement par difficulté singulière à être une mère telle qu'on l'attend et/ou telle qu'un enfant aurait besoin d'elle, ça existe. C'est mille fois plus mal perçu qu'un père ayant les mêmes difficultés et je me demande si continuer à supposer cela si évident ne participe pas à ce contraste de "tendance à s'investir" ou sinon de représentation.
Dire ça ne veut pas dire qu'en choisissant de s'occuper de leurs enfants elles sont responsables de la répartition du travail laissé et coupables de sexisme.

En revanche je trouve qu'il y a une vraie violence quand on interrompt les vacances d'une collègue sans enfant pour cette raison et toutes les remarques qu'il y peut y avoir sur le fait de n'être pas parent.
J'ai parfois l'impression que la violence reçue par les mères sur leur rôle a son pendant dans la violence adressée aux non mères.

- l'importance de la dimension sociale et systémique dans l'état des lieux de la répartition des tâches et des implications que ça suppose pour le travail ensuite / la notion de choix, de libre arbitre, de part individuelle dans cette situation
En lisant l'échange, j'avais presque l'impression d'une opposition entre ces deux registres.
Pourtant, je me sens agie des deux concernant bien des choses. Quand j'ai eu à déconstruire certaines choses sur ce que j'attendais de moi, je butais sur mon vécu propre et mon positionnement, il n'y avait presque que ça (peut-être était-ce moins douloureux que me reconnaître sans maîtrise). Je souffrais. J'ai "rencontré" des pensées "sociales" et j'ai exploré ce champ. J'ai réalisé que dans mon positionnement, toute une part ne m'appartenait pas tant que ça et relevait de la place des femmes dans ma culture. J'ai trouvé ça à la fois dur et soulageant, mais surtout, aidant car ça m'a aidé à discriminer ce qui me revenait plus intimement. Et là, j'ai pu un peu avancer. Pour moi ces deux registres sont en perpétuelle intrication car je suis inscrite dans ma culture tout en me l'appropriant de façon singulière. Et je me dis qu'il y a forcément un immense boulot sur le plan social, mais que ça suppose que ce qui est promu dans le champ social soit approprié comme quelque chose de propre par les individus. Bon j'imagine que je suis un peu simpliste mais bon.

Je suis un peu effrayée je dois dire, à l'idée que tout repose sur la culture dans cette répartition des tâches et les effets de celle-ci (dans le monde du travail mais pas que). Comme c'est un sujet qui me touche, je pense peut être moins librement qu'en d'autres sujets.
Honnêtement, je crois que j'aurais bien besoin de me dire qu'il y a une part de choix, une part de positionnement. Sinon, je me sens condamnée à vivre telle ou telle chose une fois que je serai mère et je trouve ça très dur. Et aussi, je me sentirais privée. Je ne sais pas de quoi: de ma capacité de choix ? Je ne pense pas qu'il s'agisse que de ça mais on va dire ça.

Cela m'effraie aussi de n'envisager un phénomène, même profondément inscrit dans le social, uniquement sous cet angle. Je ne suis pas sûre que c'est ce qui a été dit hein, je vous livre mes pensées après vous avoir lues mais forcément, ce que vous avez dit je l'ai un peu transformé dans ma tête. Je m'excuse si je heurte certaines car je mesure l'attention qu'elles ont porté à ce qu'elles voulaient partager (et d'ailleurs c'est le moment de vous dire merci). Disons que c'est un peu vers là que je suis allée en pensant à ce que vous disiez.
Avez-vous déjà lu des documents à ce sujet pour donner de la matière à d'autres points de vue que celui d'une approche sociale (qui a tout son sens bien sûr) ?

- Un livre sur lequel j'aurais aimé avoir un retour si certaines l'ont lu: Les mères qui travaillent sont-elles coupables ? de S. Giampino.

- A quel moment pourrions nous parler de plaisir, de confort, de participation active à ce système injuste et/ou extrêmement réducteur envers les femmes, sans faire preuve à notre tour de violence envers elles ?

Je ne sais pas si c'est vraiment lié mais je sais que c'est une des choses que je ressens quand je pense au féminisme. J'ai peur, j'ai peur de sortir d'une zone de partage encore possible avec d'autres et de ne vivre que de la colère ou de l'injustice, de ne pas avoir l'humour de Mamykro face à ces sujets, de ne plus être capable de compromis entre ce que je pense intimement et ma réalité conjugale, pro, amicale, etc. Si je suis capable de ressentir cela comme un risque de perte de confort, une façon de me dégager de quelque chose, je dois admettre qu'en ne m'y approchant qu'à une certaine distance je choisis de conserver quelque chose.(quoi, ça ?).
Bon j'ai perdu un peu le fil de ma pensée, je vais m'arrêter là plutôt que d'être encore plus confuse. Merci à celles qui prendront le temps de me répondre car ça m'intéresse vraiment.


Merci Papille. C'est hyper intéressant, et tu dis, de façon bcp plus apaisée et moins radicale que moi des choses que j'aimerais faire passer.

Je développe plus tard.

L'idée de confort me semble importante. Pour ma part, je sais depuis des années que si je veux vraiment faire toutes les choses que je veux, je passerai ma vie à me sentir souvent coupable (mais c'est déjà le cas^^), à être jugée, qualifiée de mauvaise mère le cas échéant, à être dans des situations parfois peu épanouissantes. Je pense que c'est inévitable, et que ce n'est pas vraiment un facteur que je veux prendre en compte.
J
42 ans Paris 1842
a-nonyme a écrit:
Justdontknow a écrit:
Tout à fait. Ras le bol de ces femmes qui en foutent pas une au boulot à cause de leurs congès mat. Heureusement que toutes les femmes sont moins payées et se heurtent au plafond de verre, sinon, vraiment, ce serait affreux. Si tout le monde équilibrait vie pro et vie perso, la position masculine en haut de l'échelle serait menacée, on ne peut pas accepter cela. Que les femmes restent à la maison à s'occuper des enfants, c'est leur choix, elles sont incapables d'aller contre les injonctions sociales, et c'est quand même vachement plus leur place de gérer les varicelles que de jouer à égale avec les hommes au boulot.


Pyflo, sors de corps :mrgreen:


J'ai eu un peu peur que WTC me prenne au sérieux ^^
38 ans Orgrimmar 6511
Oui, en me relisant, je ne sais pas trop ce que j'ai voulu dire (je suis fatiguée en ce moment, comment ça, ça se voit? :mrgreen:). Sans doute que lorsqu'on prend le problème sans partir sur des grands débats mais plutôt à l'échelle de notre propre vécu, même si on est d'accord avec les "grandes idées", c'est difficile de les appliquer au quotidien.
49 ans région parisienne 5831
Ce n'est pas simple de s'exprimer sur un tel sujet, donc je vais essayer de vous faire comprendre ce que je pense en faisant un parallèle...

Imaginons la situation des ouvriers en Chine ou dans n'importe quel pays où ils sont exploités. Pourtant, ils sont nombreux, très nombreux. A la limite, ne suffirait-il pas qu'ils se révoltent tous contre leur condition et fassent tomber le régime qui les opprime? C'est clair que si eux tous se révoltaient en même temps, ils pourraient changer cette situation, ils pourraient ne plus être victimes... Et pourtant, peut-on leur dire: "c'est de votre faute si vous êtes opprimés, vous n'avez qu'à vous révolter, vous êtes plus nombreux, c'est de votre responsabilité"?

J'espère que vous voyez l'idée: quand on est opprimé par un système, ce n'est pas si simple d'en sortir, et ça parait un peu injuste de dire aux opprimés qu'au final, ils ont leur part de responsabilité dans leur oppression. Leur dire cela, pour eux, c'est la double peine. :? Bien entendu, on n'est pas tout à fait à la même échelle ici, mais j'ai trouvé que ce parallèle faisait bien ressortir l'idée que je voulais vous partager.

Pour continuer le parallèle, dans cette situation, les femmes sans enfants sont un peu à la place d'un ouvrier qui aurait conscience de son exploitation et qui dirait aux autres: "révoltons nous, organisons-nous, nous pouvons faire tomber ce régime" mais qui n'arriverait pas à convaincre les autres. On comprend qu'il aurait la rage à la fois contre le système qui l'opprime mais aussi contre ses collègues ouvriers qui, de son point de vue, ne feraient rien pour que les choses changent.

Moi, ce qui m'attriste dans cette situation, c'est qu'au final, on en arrive à faire se battre entre eux les exploités: les uns reprochent aux autres leur inertie, les autres reprochent aux uns leur manque de solidarité, et on se perd dans ces combats de pair à pair, en oubliant que des deux côtés, on a des victimes d'un système et que c'est ce système qu'il faut avant tout combattre, avant de chercher à distribuer les responsabilités entre les victimes. :?
49 ans région parisienne 5831
papille a écrit:
Je ne sais pas si c'est vraiment lié mais je sais que c'est une des choses que je ressens quand je pense au féminisme. J'ai peur, j'ai peur de sortir d'une zone de partage encore possible avec d'autres et de ne vivre que de la colère ou de l'injustice, de ne pas avoir l'humour de Mamykro face à ces sujets, de ne plus être capable de compromis entre ce que je pense intimement et ma réalité conjugale, pro, amicale, etc.


Perso, le positionnement que j'essaye d'avoir (idéalement hein, je ne prétend pas y arriver tout le temps :roll: ), c'est de me dire que moi, j'ai de la chance de voir les ficelles, j'ai de la chance de me rendre compte que tel ou tel comportement est induit par la société et que je peux m'en défaire, contrairement à d'autres femmes qui noient leur vraie personnalité dans les diktats de la société.

J'essaye de ne pas considérer ces femmes comme des ennemies (par exemple, celles qui pensent qu'une femme doit être mince, doit élever ses enfants, sacrifier sa carrière, aimer se maquiller et porter de belles robes....etc...) mais comme des victimes d'un système qui, au final, les opprime plus qu'il ne m'opprime moi, puisque moi, j'en suis consciente et je peux m'en détacher.

Quand je leur exprime mon opposition à leur positionnement, j'essaye de parler en mon nom propre. Par exemple si l'une me dit: "les femmes sont comme ça", je réponds: "je n'ai pas remarqué cela, et pour ma part, j'estime ne pas être comme ça". Par la suite, si la personne en face le souhaite, je peux essayer d'expliquer ce que je sais des exigences de la société, de comment on amène les gens à penser telle chose jusqu'à ce que cela devienne vrai...Etc... mais je ne vais pas systématiquement le faire.
49 ans région parisienne 5831
Je rajoute (et après j'arrête :oops: ) que pour ma part, ce qui m'aide aussi à prendre du recul, c'est de considérer que je ne suis pas non plus parfaite, loin de là! :lol: Si je peux me considérer comme plus "avancée" que certaines personnes en ce qui concerne les réflexions féministes, ces personnes peuvent sûrement aussi m'en apprendre sur d'autres sujets. De ce fait, je ne me place pas en juge de ces personnes, mais je considère la relation que j'ai avec elles comme un partage où on peut mutuellement s'apporter... sachant aussi que chacun prend ce qu'il veut dans la relation.

Bon, je ne sais pas si je me suis trop éloignée du sujet de départ ou si ce que je dis a de l’intérêt... :?
51 ans Out of nowhere 3834
Je ne suis pas sûr de bien te comprendre Mamykro, tu veux dire qu'on (les autres femmes du cabinet) reproche de manière subliminale à JDK de ne pas avoir d'enfant et qu'on trouve ainsi naturel qu'elle se rattrape en travaillant plus pour la société?
49 ans région parisienne 5831
Ce n'est sans doute qu'une infime partie de ce que j'ai dit, mais en quelque sorte, oui. Quand ses co-bureau lui disent de prendre les audiences lointaines et qu'elle comprendra quand elle aura des enfants, elles sous-entendent que Just doit obligatoirement souhaiter avoir des enfants, et aussi qu'il est naturel pour une femme de faire passer ses enfants avant son travail. Tout ça, ce sont des sous-entendus clairement sexistes.
51 ans Out of nowhere 3834
mamykro a écrit:
Ce n'est sans doute qu'une infime partie de ce que j'ai dit, mais en quelque sorte, oui. Quand ses co-bureau lui disent de prendre les audiences lointaines et qu'elle comprendra quand elle aura des enfants, elles sous-entendent que Just doit obligatoirement souhaiter avoir des enfants, et aussi qu'il est naturel pour une femme de faire passer ses enfants avant son travail. Tout ça, ce sont des sous-entendus clairement sexistes.

Oui entendu comme ça, c'est clair que ça peut aider à comprendre le ressenti de JDK, elle serait en quelque sorte "punie" de na pas avoir d'enfant. Cela dit, il faut bien que quelqu'un le fasse ce travail. Et surtout, je l'ai déjà évoqué, ce n'est pas du travail à la chaîne, type les temps modernes, il faut beaucoup s'investir pour réussir dans ce métier, beaucoup de sacrifices... Cet "esclavage" (j'en conviens le mot est trop fort) vis à vis des enfants, soit-il plus ou moins consenti, fera que ces femmes ne pourront jamais développer leur potentiel à leur maximum dans leur métier.
49 ans région parisienne 5831
Pour ma part, j'estime que Just est tout autant victime de ce système que ces femmes qui sacrifient leur carrière pour privilégier leurs enfants. Le truc, c'est de ne pas se tromper de cible quand on vise le responsable de la situation. ;)
84 ans Bretagne 724
mamykro a écrit:
Pour ma part, j'estime que Just est tout autant victime de ce système que ces femmes qui sacrifient leur carrière pour privilégier leurs enfants. Le truc, c'est de ne pas se tromper de cible quand on vise le responsable de la situation. ;)

Je commence à avoir peur d'avoir donné cette impression...Jamais jamais jamais je n'ai pensé que JustDontKnow n'était pas elle-aussi une victime de ce système sexiste, et dans les grandes largeurs.
C'est comme les deux faces d'une même pièce (pièce qui serait la vision sexiste de la femme en temps que mère). Celles qui se conforment à ce rôle le paie à des multiples niveaux (jugements, carrières ralenties voire définitivement stoppées, surcharge de travail domestique, invisibilisation -parce que considérés comme "normal"- de leur travail au sein du ménage, mépris de celleux qui considèrent qu'elles n'ont "qu'à" refuser ce rôle -et donc sont responsables, et donc pas d'écoutes, de solidarité et donc pas de mobilisations-, manque terrifiant de structures pour alléger, compenser cette situation d'oppression sexiste -il n'y a qu'à voir le manque dramatique de places en crèches, alors que ça devrait être la base-...), et celles qui ne se conforment pas à ce rôle le paient aussi à de multiples niveaux (injonctions à la maternité, incompréhension voire mépris de leurs choix, poids des stéréotypes auxquelles elles ne correspondent pourtant pas mais qui auront malgré tout un impact sur leur carrière, obligation de parfois faire des concessions radicales pour échapper au maximum à ce système, concessions qu'elles n'auraient pas eu à faire si elles avaient été des hommes...)

C'est comme dernièrement je regardais, j'ignore si vous la connaissez, Ronda Rousey. C'est une combattante très impressionnante de MMA (Mixed martial arts), qui a récemment remporté un combat particulièrement retentissant en 34 secondes. Bon, ça, c'est le contexte. Evidemment, après, elle s'est pris une avalanche de critiques sur son physique (Masculin, laid, blablabla. Un peu le même genre de merde que se mange Serena Williams) Lorsqu'elle a réagit, plutôt que de critiquer l'injonction à la beauté pour les femmes, les standards absurdes, la misogynie des commentateurs, elle a préféré taper sur...les "Do Nothing Bitchs". (Assez vague comme concept, donc difficile à expliquer, mais en gros, je dirais -c'est mon interprétation la plus basique, mais je peux tomber à côté d'une compréhension plus complète- : les femmes qui ne font rien de leur corps d'autre que d'essayer de se conformer aux standards de beauté)
Dans l'une comme dans l'autre de ces situations, on a deux types de personnes victimes d'une même oppression sexiste (ici liée à la maternité ou liée au physique) mais différemment (l'un pour s'y conformer, l'autre pour chercher à s'en émanciper). Mais dans les deux cas, c'est la même oppression sexiste pour les deux, et j'ai vraiment un gros gros problème à rejeter la responsabilité sur l'un de ces types de personnes, ou sur l'autre, comme si l'un était responsable des conséquences que subit l'autre. Alors que non. Même problème de base (système sexiste), conséquences différentes selon les profils.

Si vous êtes suffisamment anglophone, cette vidéo parle, il me semble, plutôt bien du problème : Do Nothing Bitches and Instagram Models
40 ans Niort 1336
Article anglophone, si besoin je peux tenter une traduction...

15 réactions d'hommes à l'idée de prendre le nom de leur femme après le mariage.

http://thoughtcatalog....ifes-last-name-after-marriage/
J
42 ans Paris 1842
Remus a écrit:
mamykro a écrit:
Pour ma part, j'estime que Just est tout autant victime de ce système que ces femmes qui sacrifient leur carrière pour privilégier leurs enfants. Le truc, c'est de ne pas se tromper de cible quand on vise le responsable de la situation. ;)

Je commence à avoir peur d'avoir donné cette impression...Jamais jamais jamais je n'ai pensé que JustDontKnow n'était pas elle-aussi une victime de ce système sexiste, et dans les grandes largeurs.
C'est comme les deux faces d'une même pièce (pièce qui serait la vision sexiste de la femme en temps que mère). Celles qui se conforment à ce rôle le paie à des multiples niveaux (jugements, carrières ralenties voire définitivement stoppées, surcharge de travail domestique, invisibilisation -parce que considérés comme "normal"- de leur travail au sein du ménage, mépris de celleux qui considèrent qu'elles n'ont "qu'à" refuser ce rôle -et donc sont responsables, et donc pas d'écoutes, de solidarité et donc pas de mobilisations-, manque terrifiant de structures pour alléger, compenser cette situation d'oppression sexiste -il n'y a qu'à voir le manque dramatique de places en crèches, alors que ça devrait être la base-...), et celles qui ne se conforment pas à ce rôle le paient aussi à de multiples niveaux (injonctions à la maternité, incompréhension voire mépris de leurs choix, poids des stéréotypes auxquelles elles ne correspondent pourtant pas mais qui auront malgré tout un impact sur leur carrière, obligation de parfois faire des concessions radicales pour échapper au maximum à ce système, concessions qu'elles n'auraient pas eu à faire si elles avaient été des hommes...)

C'est comme dernièrement je regardais, j'ignore si vous la connaissez, Ronda Rousey. C'est une combattante très impressionnante de MMA (Mixed martial arts), qui a récemment remporté un combat particulièrement retentissant en 34 secondes. Bon, ça, c'est le contexte. Evidemment, après, elle s'est pris une avalanche de critiques sur son physique (Masculin, laid, blablabla. Un peu le même genre de merde que se mange Serena Williams) Lorsqu'elle a réagit, plutôt que de critiquer l'injonction à la beauté pour les femmes, les standards absurdes, la misogynie des commentateurs, elle a préféré taper sur...les "Do Nothing Bitchs". (Assez vague comme concept, donc difficile à expliquer, mais en gros, je dirais -c'est mon interprétation la plus basique, mais je peux tomber à côté d'une compréhension plus complète- : les femmes qui ne font rien de leur corps d'autre que d'essayer de se conformer aux standards de beauté)
Dans l'une comme dans l'autre de ces situations, on a deux types de personnes victimes d'une même oppression sexiste (ici liée à la maternité ou liée au physique) mais différemment (l'un pour s'y conformer, l'autre pour chercher à s'en émanciper). Mais dans les deux cas, c'est la même oppression sexiste pour les deux, et j'ai vraiment un gros gros problème à rejeter la responsabilité sur l'un de ces types de personnes, ou sur l'autre, comme si l'un était responsable des conséquences que subit l'autre. Alors que non. Même problème de base (système sexiste), conséquences différentes selon les profils.

Si vous êtes suffisamment anglophone, cette vidéo parle, il me semble, plutôt bien du problème : Do Nothing Bitches and Instagram Models


Je reviens après avoir réfléchi un peu.

J'ai effectivement eu cette impression, ce qui m'a bcp agacée, parce que cela rejoint le ressenti quotidien renvoyé par l'ensemble des gens cotoyés.

Ensuite, je me suis mal exprimée, avec ma radicalité habituelle. Je n'ai jamais pensé que les mères avec enfant n'étaient pas victimes d'un système sexiste.

En revanche, je suis désolée, mais je suis incapable, intellectuellement et sentimentalement, de considérer que l'oppression du système annihile toute volonté et tout choix. Je suis entièrement d'accord pour dire que casser les stéréotypes et s'imposer et dur et douloureux. Tout choix l'est. Mes choix sont durs, mon quotidien est dur, celui des mères avec enfants sera plus dur si elles font certains choix, elles se sentiront coupables.

J'ai du mal à prendre cette idée de culpabilité et de mal être comme un élément réellement pertinent dans le débat. Peut être mon pessimisme latent, mais comme je me sens toujours coupable de tout, que je suis toujours insatisfaite, je trouve que quand d'autres recul devant des choix plus justes en raison de ce genre de sentiment, c'est de la facilité et de la faiblesse. Il semble que cette façon de réagir et concevoir les choses soit assez mal acceptée, j'apprends donc petit à petit à la taire, sous peine d'être cataloguée comme dure ou trop exigeante dans mes réactions avec les autres.

Dès lors que je ne rechigne jamais pour prendre les dossiers des autres quant il y a panne de nounou, impératif et autres, que j'enquille le boulot des différents congès mat sans râler, je considère que je suis tout à fait solidaire. J'aimerais assez que les mères qui travaillent le soient aussi avec moi. C'est ça qui m'agace en fait: le fait que je sois consciente de leurs difficiultés, que je tente d'être solidaire, et qu'en retour je n'aie que complications dans la fluidité du travail et jugements larvés sur ma vie perso. Je l'avoue, je suis incapable du recul de Mamykro, de cette forme de compréhension et de relativisme. C'est un défaut de caractère dont je suis consciente et qui touche toutes les domaines de mes convictions et idéaux.

D'un autre côté, c'est avec les gens comme moi qu'on fait des révolutions. Faut juste nous arrêter avant qu'on ne passe par les armes tous les opposants ^^
J
42 ans Paris 1842
Oups pour la non relecture et les coquilles!
84 ans Bretagne 724
Justdontknow a écrit:
Je reviens après avoir réfléchi un peu.

J'ai effectivement eu cette impression, ce qui m'a bcp agacée, parce que cela rejoint le ressenti quotidien renvoyé par l'ensemble des gens cotoyés.

Ensuite, je me suis mal exprimée, avec ma radicalité habituelle. Je n'ai jamais pensé que les mères avec enfant n'étaient pas victimes d'un système sexiste.

En revanche, je suis désolée, mais je suis incapable, intellectuellement et sentimentalement, de considérer que l'oppression du système annihile toute volonté et tout choix. Je suis entièrement d'accord pour dire que casser les stéréotypes et s'imposer et dur et douloureux. Tout choix l'est. Mes choix sont durs, mon quotidien est dur, celui des mères avec enfants sera plus dur si elles font certains choix, elles se sentiront coupables.

J'ai du mal à prendre cette idée de culpabilité et de mal être comme un élément réellement pertinent dans le débat. Peut être mon pessimisme latent, mais comme je me sens toujours coupable de tout, que je suis toujours insatisfaite, je trouve que quand d'autres recul devant des choix plus justes en raison de ce genre de sentiment, c'est de la facilité et de la faiblesse. Il semble que cette façon de réagir et concevoir les choses soit assez mal acceptée, j'apprends donc petit à petit à la taire, sous peine d'être cataloguée comme dure ou trop exigeante dans mes réactions avec les autres.

Dès lors que je ne rechigne jamais pour prendre les dossiers des autres quant il y a panne de nounou, impératif et autres, que j'enquille le boulot des différents congès mat sans râler, je considère que je suis tout à fait solidaire. J'aimerais assez que les mères qui travaillent le soient aussi avec moi. C'est ça qui m'agace en fait: le fait que je sois consciente de leurs difficiultés, que je tente d'être solidaire, et qu'en retour je n'aie que complications dans la fluidité du travail et jugements larvés sur ma vie perso. Je l'avoue, je suis incapable du recul de Mamykro, de cette forme de compréhension et de relativisme. C'est un défaut de caractère dont je suis consciente et qui touche toutes les domaines de mes convictions et idéaux.

D'un autre côté, c'est avec les gens comme moi qu'on fait des révolutions. Faut juste nous arrêter avant qu'on ne passe par les armes tous les opposants ^^

Definitivement, j'ai un gros problème avec cette manière d'analyser. Pour moi, c'est du même niveau que "Les personnes en surpoids ont qu'à faire des efforts, ok ce sera difficile, mais tout changement l'est"
D'une vision extérieure, oui, c'est vrai, c'est assez facile de dire et de penser : "manger moins et du sport, voilà, c'est bon, iels font des efforts et c'est réglé. D'accord, ce sera dur, mais moi je le ferais à leur place, alors iels ont qu'à le faire, et s'iels le font pas, c'est de la facilité et de la faiblesse."
Sauf que reconnaitre la dureté de ces efforts ne suffit pas. Faut aussi comprendre que parfois, même en fournissant ces efforts, rien ne change, parce que ces efforts se heurtent à une multitude d'éléments extérieurs. Ou que, pour des raisons diverses, les personnes ne parviennent pas à mobiliser les ressources ou n'y ont pas accès. Que ça fonctionne pour certain.e.s, et pas pour d'autres. Que ça fonctionne à certains moments de la vie, et pas à d'autres.
Qu'enfin, en tapant sur les gens qui, selon notre point de vue, ne fournissent pas suffisamment d'efforts, on légitime ce système, puisqu'on considère que ces efforts exigés (souvent absurdes, pour en arriver à une simple situation d'égalité basique) doivent être fournis, et que celleux qui ne les remplissent pas, ou en vain, sont des faibles, et responsables de leur propre situation.
Lutter contre un système, on parle pas d'un combat où le méchant est très fort mais où le gentil gagne à la fin s'il s'entraine suffisamment et qu'il se relève grâce à la force de ses convictions. Les gentes qui parviennent, au sein de leur foyer, ou de leur travail, à trouver un équilibre égalitaire, iels ont fait des efforts, souvent beaucoup (C'est tristement scandaleux qu'il faille fournir des efforts pour ça), mais ont aussi bénéficié de circonstances favorables (qui peuvent être l'éducation, ou l'entourage, le(s) partenaire(s), le milieu pro, les finances, le hasard, la santé...) pour créer une bulle. Bulle qui reste statistiquement une exception, et qui peut éclater à n'importe quel changement de situation.
Il n'a jamais été question de dire que l'oppression du système annihile toute volonté et tout choix. Heureusement. Mais que face à tout un système, cette volonté et ces choix ne suffisent souvent pas, et que faire comme s'ils pouvaient suffire, pour tou.te.s, parce qu'ils ont fonctionné pour certain.e.s, c'est finalement ignorer ou nier la nature même de ce qu'est une oppression.

Par contre, là où je te rejoins, c'est que si je vois pas des masses de solidarité chez les(des) femmes sans enfants, j'en vois pas non plus beaucoup chez les(des) femmes avec enfants. J'sais pas, des fois, j'ai l'impression qu'il y a une sorte de rupture (politique, idéologique...de solidarité en tout cas). Et que (des membres de) chaque groupe jugeait régulièrement l'autre pour...j'sais pas. Ré-affirmer, légitimer ses propres choix, peut-être ? Bon et puis conditionnement sexiste, bien sûr, personne n'y échappe...
(Lorsque des mères traitent ma réticence à avoir des enfants comme une plaisanterie, un truc de jeunesse ou une ineptie, je leur signale que c'est en partie de les observer, elles et leurs difficultés, qui alimente ma réticence. Généralement, ça les douche. Après, on cause. Souvent, c'est dans ces moments que t'apprends ou tu devines à quel point elles aussi, elles pensaient que dans leur vie, dans leur couple, ça irait, elles parviendraient à une situation d'égalité ou pas loin, qu'elles ne seraient pas traitées en bonniche, ni par leur conjoint, ni par leurs enfants, qu'il suffirait d'y mettre des efforts et que, fuck les statistiques, pour elles, cela fonctionnerait. Ou qu'à minima, elles seraient respectées pour le travail accompli.)

Sinon, honnêtement... les révolutions ne se mènent pas par et pour soi. Là, c'est comme dire "Ok, le système déconne, mais plutôt que de le questionner vraiment et de développer les outils pour le contrer de manière globale ou -rêvons- le faire tomber, les gentes ont qu'à faire plus d'efforts pour s'adapter à ce système foireux de manière à ce qu'individuellement, iels s'en tirent (?) à peu près, comme moi je compte le faire".
Et effectivement, pour nous-même, individuellement, c'est un fonctionnement qui a tout son sens (Moi aussi je la veux, ma bulle d'égalité), parce que si on attend un changement profond du système, on peut se brosser, ça n'arrivera pas rapidement, c'est même une machine complètement en rade depuis des dizaines d'années. Sauf que. Sauf que si la machine est en rade, c'est pas un hasard non plus, dans une société où on ne dépasse justement pas, même politiquement, le niveau du "Les femmes se tapent 80% des tâches ménagères et cela a de multiples conséquences à tous les niveaux ? Elles n'ont qu'à arrêter de les faire et éduquer leurs conjoints. Et si elles n'y parviennent pas, et bien elles n'ont qu'à faire plus d'efforts, qu'est ce que vous voulez que je vous dise, il y en a qui y arrivent." Et ça c'est vraiment, mais alors vraiment pas révolutionnaire, ce serait même l'inverse, puisque ça consiste à substituer une critique des opprimé.e.s à la critique du système oppressif...

(Désolée, je n'ai pas compris ou retrouvé à quoi répondait ta réflexion sur la culpabilité)
B I U