Justdontknow a écrit:Je reviens après avoir réfléchi un peu.
J'ai effectivement eu cette impression, ce qui m'a bcp agacée, parce que cela rejoint le ressenti quotidien renvoyé par l'ensemble des gens cotoyés.
Ensuite, je me suis mal exprimée, avec ma radicalité habituelle. Je n'ai jamais pensé que les mères avec enfant n'étaient pas victimes d'un système sexiste.
En revanche, je suis désolée, mais je suis incapable, intellectuellement et sentimentalement, de considérer que l'oppression du système annihile toute volonté et tout choix. Je suis entièrement d'accord pour dire que casser les stéréotypes et s'imposer et dur et douloureux. Tout choix l'est. Mes choix sont durs, mon quotidien est dur, celui des mères avec enfants sera plus dur si elles font certains choix, elles se sentiront coupables.
J'ai du mal à prendre cette idée de culpabilité et de mal être comme un élément réellement pertinent dans le débat. Peut être mon pessimisme latent, mais comme je me sens toujours coupable de tout, que je suis toujours insatisfaite, je trouve que quand d'autres recul devant des choix plus justes en raison de ce genre de sentiment, c'est de la facilité et de la faiblesse. Il semble que cette façon de réagir et concevoir les choses soit assez mal acceptée, j'apprends donc petit à petit à la taire, sous peine d'être cataloguée comme dure ou trop exigeante dans mes réactions avec les autres.
Dès lors que je ne rechigne jamais pour prendre les dossiers des autres quant il y a panne de nounou, impératif et autres, que j'enquille le boulot des différents congès mat sans râler, je considère que je suis tout à fait solidaire. J'aimerais assez que les mères qui travaillent le soient aussi avec moi. C'est ça qui m'agace en fait: le fait que je sois consciente de leurs difficiultés, que je tente d'être solidaire, et qu'en retour je n'aie que complications dans la fluidité du travail et jugements larvés sur ma vie perso. Je l'avoue, je suis incapable du recul de Mamykro, de cette forme de compréhension et de relativisme. C'est un défaut de caractère dont je suis consciente et qui touche toutes les domaines de mes convictions et idéaux.
D'un autre côté, c'est avec les gens comme moi qu'on fait des révolutions. Faut juste nous arrêter avant qu'on ne passe par les armes tous les opposants ^^
Definitivement, j'ai un gros problème avec cette manière d'analyser. Pour moi, c'est du même niveau que
"Les personnes en surpoids ont qu'à faire des efforts, ok ce sera difficile, mais tout changement l'est"
D'une vision extérieure, oui, c'est vrai, c'est assez facile de dire et de penser :
"manger moins et du sport, voilà, c'est bon, iels font des efforts et c'est réglé. D'accord, ce sera dur, mais moi je le ferais à leur place, alors iels ont qu'à le faire, et s'iels le font pas, c'est de la facilité et de la faiblesse."
Sauf que reconnaitre la dureté de ces efforts ne suffit pas. Faut aussi comprendre que parfois, même en fournissant ces efforts, rien ne change, parce que ces efforts se heurtent à une multitude d'éléments extérieurs. Ou que, pour des raisons diverses, les personnes ne parviennent pas à mobiliser les ressources ou n'y ont pas accès. Que ça fonctionne pour certain.e.s, et pas pour d'autres. Que ça fonctionne à certains moments de la vie, et pas à d'autres.
Qu'enfin, en tapant sur les gens qui, selon notre point de vue, ne fournissent pas suffisamment d'efforts, on légitime ce système, puisqu'on considère que ces efforts exigés
(souvent absurdes, pour en arriver à une simple situation d'égalité basique) doivent être fournis, et que celleux qui ne les remplissent pas, ou en vain, sont des faibles, et responsables de leur propre situation.
Lutter contre un système, on parle pas d'un combat où le méchant est très fort mais où le gentil gagne à la fin s'il s'entraine suffisamment et qu'il se relève grâce à la force de ses convictions. Les gentes qui parviennent, au sein de leur foyer, ou de leur travail, à trouver un équilibre égalitaire, iels ont fait des efforts, souvent beaucoup
(C'est tristement scandaleux qu'il faille fournir des efforts pour ça), mais ont aussi bénéficié de circonstances favorables
(qui peuvent être l'éducation, ou l'entourage, le(s) partenaire(s), le milieu pro, les finances, le hasard, la santé...) pour créer une bulle. Bulle qui reste statistiquement une exception, et qui peut éclater à n'importe quel changement de situation.
Il n'a jamais été question de dire que l'oppression du système annihile toute volonté et tout choix. Heureusement. Mais que face à tout un système, cette volonté et ces choix ne suffisent souvent pas, et que faire comme s'ils pouvaient suffire, pour tou.te.s, parce qu'ils ont fonctionné pour certain.e.s, c'est finalement ignorer ou nier la nature même de ce qu'est une oppression.
Par contre, là où je te rejoins, c'est que si je vois pas des masses de solidarité chez les
(des) femmes sans enfants, j'en vois pas non plus beaucoup chez les
(des) femmes avec enfants. J'sais pas, des fois, j'ai l'impression qu'il y a une sorte de rupture
(politique, idéologique...de solidarité en tout cas). Et que
(des membres de) chaque groupe jugeait régulièrement l'autre pour...j'sais pas. Ré-affirmer, légitimer ses propres choix, peut-être ? Bon et puis conditionnement sexiste, bien sûr, personne n'y échappe...
(Lorsque des mères traitent ma réticence à avoir des enfants comme une plaisanterie, un truc de jeunesse ou une ineptie, je leur signale que c'est en partie de les observer, elles et leurs difficultés, qui alimente ma réticence. Généralement, ça les douche. Après, on cause. Souvent, c'est dans ces moments que t'apprends ou tu devines à quel point elles aussi, elles pensaient que dans leur vie, dans leur couple, ça irait, elles parviendraient à une situation d'égalité ou pas loin, qu'elles ne seraient pas traitées en bonniche, ni par leur conjoint, ni par leurs enfants, qu'il suffirait d'y mettre des efforts et que, fuck les statistiques, pour elles, cela fonctionnerait. Ou qu'à minima, elles seraient respectées pour le travail accompli.)
Sinon, honnêtement... les révolutions ne se mènent pas par et pour soi. Là, c'est comme dire
"Ok, le système déconne, mais plutôt que de le questionner vraiment et de développer les outils pour le contrer de manière globale ou -rêvons- le faire tomber, les gentes ont qu'à faire plus d'efforts pour s'adapter à ce système foireux de manière à ce qu'individuellement, iels s'en tirent (?) à peu près, comme moi je compte le faire".
Et effectivement, pour nous-même, individuellement, c'est un fonctionnement qui a tout son sens
(Moi aussi je la veux, ma bulle d'égalité), parce que si on attend un changement profond du système, on peut se brosser, ça n'arrivera pas rapidement, c'est même une machine complètement en
rade depuis des
dizaines d'années. Sauf que. Sauf que si la machine est en rade, c'est pas un hasard non plus, dans une société où on ne dépasse justement pas, même politiquement, le niveau du
"Les femmes se tapent 80% des tâches ménagères et cela a de multiples conséquences à tous les niveaux ? Elles n'ont qu'à arrêter de les faire et éduquer leurs conjoints. Et si elles n'y parviennent pas, et bien elles n'ont qu'à faire plus d'efforts, qu'est ce que vous voulez que je vous dise, il y en a qui y arrivent." Et ça c'est vraiment, mais alors vraiment pas révolutionnaire, ce serait même l'inverse, puisque ça consiste à substituer une critique des opprimé.e.s à la critique du système oppressif...
(Désolée, je n'ai pas compris ou retrouvé à quoi répondait ta réflexion sur la culpabilité)