sandydidou a écrit:angelic a écrit:
Pour (je pense) être exactement dans la même situation que toi (mêmes études et au même niveau), je suis intéressée par les TCA, mais j'ai pas osé postuler pour un stage auprès de cette population là. Pourquoi? Tout simplement parce que je me dis : "elles souffrent de problèmes relatifs au poids. Si elles me voient arriver avec mes 40 kg de trop, en obésité morbide donc, comment vont elles le prendre?" Je me vois mal, en effet, pouvoir venir en aide à une personne souffrant de TCA, alors que je ne suis moi même pas à l'aise avec mon poids. Alors, ok, je pourrais les comprendre peut être plus 'facilement' que quelqu'un qui n'a pas ces soucis là. Mais si je donne l'image de quelqu'un qui a des TCA (que ce soit le cas ou non, peut importe) comment ces patientes pourront elles me faire confiance? ben elles pourront pas... elles risquent de se dire : "ben si elle même n'a pas su dépasser ça, elle risque pas de pouvoir m'aider"...
Ton opinion, bien qu'exprimée avec beaucoup de finesse, montre qu'il reste beaucoup de travail à faire autour du surpoids et de l'obésité. Quelqu'un qui a un problème avec une certaine image du corps doit aussi apprendre à vivre avec la réalité de ce corps. Il me semble que c'est se leurrer que de penser qu'on ne peut aider certaines personnes parce qu'on a eu un vécu similaire. Tes études sont là pour te permettre de tourner la page et de te situer à un autre niveau. Ton professionnalisme se verra justement à cela : dissocier ce qui relève de ton histoire perso et ton travail avec ton patient.
Ce qui me choque c'est que tu précises qu'avoir des TCA ou pas importe peu ; à mes yeux, c'est là que réside toute la différence ; avoir des TCA et ne pas supporter son corps sont 2 problèmes différents. Les TCA conduisent souvent au surpoids ou à l'obésité mais les personnes en surpoids ou obèses n'en ont pas forcément eu, les raisons de la prise de poids sont multiples, à régime et mode de vie équivalent, deux personnes peuvent finir avec 20 ou 30 kg d'écart, tu dois parfaitement le savoir.
Il est hyper-important de cesser d'associer TCA et obésité, sinon on ne changera jamais le regard de la société vis à vis de cette dernière ; tant que persistera l'idée "si elle est grosse c'est sa responsabilité (pour ne pas dire faute)", on n'est pas arrivé !
Voilà exactement où étais la difficulté de faire passer mon idée.
Quand je dis "avoir des TCA ou non, peu importe", c'est dans le sens où pour la patiente en face de nous la différence n'a pas d'intérêt. Elle, elle en souffre, ça lui gache la vie. Elle ne se dira probablement pas "oui ma psy est grosse, mais bon, peut etre qu'elle le vit bien et que son probleme est autre que le mien, peut etre même d'ailleurs qu'elle n'a pas de problème !".
En ce qui me concerne, je n'associe pas du tout obésité à TCA systématiquement (vu que je suis obèse, mais que je ne souffre pas de TCA justement). Dans ma phrase qui t'a choqué, je voulais exprimer ceci :
si demain je suis psy, en poste en hopital et que je travaille avec des filles anorexiques par exemple. Je suis grosse. Que je souffre de TCA ou pas, elle en sait rien. La premiere chose qu'elle va voir, c'est mon poids. Si la graisse la dégoute, qu'en sera t il de moi avec mon obésité? Quelle image je lui renvoie?
Il y a de fortes chances, pour qu'elle ne m'accorde pas sa confiance. S'il est possible de lier une relation psy/patient sur du long terme on pourra certainement travailler ensemble. Mais si c'est un séjour à court terme, j'ai peur que mon poids ne soit un frein pour le travail que je pourrais entreprendre avec les patients.
Ce frein ne vient pas de moi, ou du psy, car, comme tu le dis si bien, il faut réussir à dissocier sa propre histoire de celle de son patient. Mais, si le psy peut le faire et le fait, le patient saura t il le faire d'emblée? Tout le problème est là, à mon sens.
Imaginons ce qu'une patiente peut se dire en me voyant arriver :
- "ouais ok, elle est grosse, elle doit avoir des TCA aussi. Si elle est grosse, et qu'elle le reste, c'est qu'elle n'arrive pas à régler ses problèmes. Elle ne pourra pas m'aider."
- "elle est grosse. Elle a l'air de bien le vivre. Elle comprendra jamais mes problèmes et pourquoi je vais mal."
C'est dans ces cas de figure (et uniquement ces deux cas là), avec une prise en charge de courte durée, qu'il peut y avoir des soucis, et que je pourrais entendre le refus de ce professionnel à refuser le stage à Sy_Naturelle.
Je ne minimise absolument pas l'importance des TCA, ni leurs conséquences. Comme je n'estime pas qu'obésité rime avec TCA. Justement, pour le savoir, j'aurais voulu pouvoir faire changer ces préjugés, modifier les mentalités, mais y'a du boulot !
Juste pour la petite histoire : lors d'un de mes stages, j'ai pris en charge une patiente victime de harcèlement sexuel et viol. Trouble comorbide : anorexie. Elle a eu beaucoup de mal à accepter de m'en parler. Elle en avait besoin, il fallait qu'on travaille ça également ensemble. Face à mon obésité elle a eu des difficultés importantes à s'autoriser à me parler sans gène et sans retenue. Il a fallu que je l'incite quand elle abordait le sujet rapidement, que je sois d'autant plus bienveillante à ces moments là, et qu'elle entende enfin que ça ne me touchait pas quand elle disait qu'être grosse était immonde. Elle était ultra précautionneuse dans ces termes par peur de me blesser. Il aura fallu 4 mois pour qu'elle se sente libre de ses propos à ce sujet là avec moi, et qu'on puisse avancer dans la thérapie. En toute honnêteté, je ne sais pas du tout ce qu'on aurait pu faire pour dépasser sa retenue si je la suivais dans le cadre d'une prise en charge de courte durée... Et là je ne parle que d'une patiente qui avait peur de me vexer, de me blesser. Pas d'une qui pensait que je serais incompétente face à sa problématique...