Je vais essayer de vous répondre à toute à partir du message de Maidi, qui synthétise de façon constructive les réponses à ce débat.
Pour ce qui est de ma démarche, elle est à la fois "professionnelle" et personnelle. Je suis actuellement en M2 de science politique. Je rédige un mémoire qui croise à la fois l'approche de la science politique comparée et de la psychologie sociale sur la question de l'obésité, de ses déterminants et de sa prise en charge publique. En tant qu'ancienne obèse, je cherche naturellement des réponses à mes interrogations aussi ; on ne maigrit pas en perdant toutes les traces psychologiques et morales que l'obésité a laissé.
Je discute actuellement avec mon directeur pour la publication d'un premier article co-signé avant de me lancer en thèse toujours sur ces mêmes sujets. Il risquerait de provoquer un tollé général par ailleurs, au moins dans la petite bulle universitaire ... Cette discussion est aussi un moyen de me confronter à d'autres points de vue que ceux, professionnels, que je peux recueillir autour de moi (et qui sont par ailleurs beaucoup moins "a fleur de peau" et violents que les vôtres, mêmes si tous ne sont pas d'accord ...).
Maiadi a écrit:Bon alors:
* Tout le monde est bien conscient qu'on ne grossit pas avec de l'air. La question est: pourquoi a-t-on envie de manger plus que ses besoins? Ce n'est pas juste un caprice. Certaines personnes ont perdu 100 kg dans leur vie à force de régimes, et ont toujours fini par reprendre. Comment se fait-il qu'on peut avoir la volonté de perdre autant, et ne pas arriver à se maintenir une fois qu'on est à un poids satisfaisant?
* Je ne crois pas que je suis considérée comme de la viande, bien que je sois nettement obèse médicalement. La plupart des gens ont la délicatesse de me considérer comme une personne dans ses multiples dimensions. Les autres, ben... je n'ai avec eux que les relations strictement nécessaires.
* Je ne vois pas pourquoi tu parles de "normalisation" de l'obésité. Ici on parle d'acceptation. C'est-à-dire, faire du mieux que l'on peut avec ce qu'on a. Il ne s'agit pas de s'admirer grossir. Juste de vivre maintenant et pas quand on aura perdu 20 kg.
* Qu'est-ce qu'une rondeur "lucide et sans prétention"? Tu penses qu'on n'est pas conscientes de notre poids, et qu'on passe notre temps à se prendre pour que les autres? Si c'est ça, ben... tu ne sais pas lire.
Attention à la pente glissante, mon propos est un peu grinçant mais je ne vous considère pas comme de la viande ; et personne ne doit l'être d'ailleurs. Toujours est-il que les procédés d'intégration et d'acceptation de l'obésité font entrer des enjeux qui sont nécessairement en marge des questions morales. La posture victimisante et mécaniste vis-à-vis de l'obésité peut alors logiquement conduire à cela.
La normalisation de l'obésité, si elle n'est pas un projet conscient sous forme de complot, s'exprime de fait sous l'effet d'un
soft power. En se mettant dans un positionnement public de revendication du "être grosse ne change rien", on fait par voie de conséquence de l'obésité un fait qui ne change rien. Pourtant cela pose réellement des problèmes de santé (dos, articulations, souffle ...) qui sont pris en charge médicalement. Pour rebondir sur le lien avec la santé publique, comme imaginer un système de prise en charge de l'obésité si cette dernière est dédramatisée au point d'en faire quelque chose de neutre dans l'identité sociale et médicale d'une personne ?
Je suis consciente (@Lizzie) qu'une partie des obèses le sont malgré eux ; historiquement d'ailleurs, toute société connait des personnes en surpoids pour des raisons physiques et notamment génétiques. Le phénomène connait pourtant une hausse incontrôlée depuis 50 ans, et prend aujourd'hui des proportions qu'on ne peut plus ignorer. Penses tu vraiment que cette hausse est due à des raisons endocrinologiques ? NON, il serait vraiment absurde de dire que le déterminant biologique de l'obésité s'est répandu à grande vitesse ces dernières années. La différence entre la proportion d'obèse d'avant et celle d'aujourd'hui s'explique belle et bien par des explications sociales et psychologiques qui tiennent du
choix (que je ne tiens pas à condamner moralement, mais qu'il convient d'examiner tout de même sur le mode du choix). Pour la leçon d'endocrinologie, donc, pas besoin ... J'ai d'ailleurs étudié le sujet à titre personnel au cours de mon régime mais aussi et surtout dans le cadre de mon projet de recherche.
Quand je parle d'une "rondeur lucide et sans prétention", je cherche donc justement à éviter ce refuge systématique dans les causes hormonales et biologiques. Elles existent certes, mais elles ne peuvent expliquer le phénomène d'obésité et le changement de proportion qu'il connait dans son ensemble.